09/11/2022

Le Mort-Homme

Le Squelette du Mort-Homme en 2022
100 ans après son inauguration 


Le contexte historique


Le rôle stratégique du secteur Mort-Homme - Cote 304, impacte dès septembre 1914, Gercourt-Drillancourt, Regnéville, Forges, Béthincourt, Malancourt, Avocourt, soumis aux bombardements, voire aux attaques d’infanterie. Villages que les habitants évacuent spontanément, quand ils ne sont pas expulsés, voire déportés par les Allemands. En 1915, le front est stabilisé, mais l’étau se resserre. En février 1916, quelques jours avant le début de l’offensive allemande, l’autorité militaire à Verdun prescrit, en particulier, les évacuations des derniers habitants de Regnéville, Champneuville, Cumières et Esnes-en-Argonne.

Lors du déclenchement de l’offensive allemande sur la rive gauche du fleuve Meuse, le 6 mars 1916, la ligne de front passe par Regnéville, Forges, la Côte de l’Oie, Béthincourt, le bois de Malancourt et Malancourt. C’est le rempart de « la position principale de résistance » qui s’appuie sur les collines du Mort-Homme (295 m) et de la Cote 304 (304 m), bordées à l’est par Cumières et à l’ouest par Avocourt. Les « deux piliers sur la rive gauche de la défense de Verdun », séparés par le ravin de la Hayette (ruisseau de Montzéville), sont des observatoires naturels de première importance. Âprement disputés, ils seront pris et repris plusieurs fois tout au long de la bataille par chacune des deux armées. En arrière du Mort-Homme et de la Cote 304, le dispositif français est complété par les forts de Vacherauville et Bois Bourrus, équipés de canons.


© gallica.bnf.fr


A partir du 21 février 1916, les douze villages de Gercourt-Drillancourt, Regnéville, Forges, Béthincourt, Malancourt-Haucourt, Avocourt, Esnes-en-Argonne, Montzéville, Chattancourt, Marre, Cumières et Champneuville systématiquement bombardés, sont en grande partie détruits. Après-guerre, seuls Cumières et le hameau d'Haucourt ne sont pas reconstruits. Les autres villages sont reconstruits, peu ou prou, à l'emplacement du site originel, tandis que ceux de Béthincourt et Forges s'établissent à distance des sites classés en « zone rouge », comme tout ou partie du territoire de la majorité de ces communes. Car, et c'est ce qui distingue Verdun des autres batailles, «les destructions étaient telles que la reconstruction et la remise en état des cultures étaient impossibles. Aujourd'hui encore, la moindre fouille met au jour des débris humains et des obus non explosés. »



L'offensive allemande sur la rive droite (21-26 février 1916)

Le 21 février, les villages disparaissent sous les tirs d'artillerie. Sur la rive droite de la Meuse, malgré le sacrifice des défenseurs, les lignes françaises sont enfoncées. Le 25 février, les Allemands progressent de 8 kilomètres et prennent Champneuville, la Côte du Talou et le fort de Douaumont. Mais dès le 26 février, l'offensive allemande ralentit. Avec l'arrivée des premiers renforts, les Français attaquent de front sur la rive droite et emploient les batteries de la région du Mort-Homme situées sur la rive gauche.

L'offensive allemande sur la rive gauche

Le 6 mars, les Allemands changent de stratégie et attaquent sur les deux rives de la Meuse pour prendre Verdun en tenaille : à l'est, en direction du fort de Vaux et à l'ouest, en direction des hauteurs du Mort-Homme où l'attaque allemande se concentre sur 6 kilomètres de front. Malgré l'emploi massif de leur artillerie, comparable à celui du 21 février, les troupes allemandes sont ralenties, voire arrêtées par les feux des canons français. La bataille d'infanterie fait rage. L'assaillant devient défenseur. Le défenseur devient assaillant.

L’offensive allemande progresse lentement mais les succès partiels sont chèrement payés. Du 6 au 10 mars, les Français perdent Regnéville, Forges, la Côte de l'Oie, le bois des Corbeaux et le bois de Cumières.

Du 11 mars au 8 avril, la Cote 265 du Mort-Homme, les bois d'Avocourt et Malancourt, les villages de Malancourt, Haucourt tombent. Béthincourt est évacué. Mais le Mort-Homme tient bon et la Cote 304 n'a pas pu être attaquée.

Les 9 et 10 avril, les Allemands attaquent alors sur un front plus large : par l’ouest et au nord sur la Cote 304, puis par le nord sur le Mort-Homme . Au soir du 10 avril, les Allemands prennent le sommet du Mort Homme (cote 295) tandis que les Français se retranchent sur la pente, au sud, « accrochés par les ongles »


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Le 20 avril, la contre-offensive française reprend le Mort-Homme que les Allemands décident, dans un mouvement tournant, de faire tomber par l'ouest, en s'emparant de la Cote 304. Les tirs d’artillerie allemande commencent le 3 mai et durent deux jours et une nuit. 

D’après le soldat français Louis Barthas, la Cote 304 et le Mort-Homme sont « comme deux volcans en éruption, il s'en échappait des nuages de fumée au milieu de laquelle s’apercevait la flamme des explosions comme des jets de lave incandescente. » 

Du 5 au 22 mai, les attaques allemandes s'enchaînent, comme autant de coups de boutoirs, d'Avocourt au ravin de la Hayette. Les Allemands réussissent finalement à déborder la Cote 304 par l'ouest et à s'accrocher aux pentes nord. 

Sur le Mort-Homme, le 23 mai, les Allemands rejettent les Français et prennent le bois des Caurettes. Le 24 mai, Cumières tombe. Le 29 mai, les Français se replient sur la ligne qui passe au nord de Chattancourt, mais les assaillants sont arrêtés par une contre-attaque et les feux de l'artillerie française.


La Bataille de Verdun sur la rive gauche de la Meuse 
Février 1916-Août 1917 sous fond de carte actuell
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Comme en témoigne un soldat allemand le 31 mai : « Depuis quatre jours et quatre nuits dans la tranchée, comment peut-on y résister ? Nous souffrons horriblement du feu de l'artillerie : toujours obus sur abus. La 12e compagnie n'a plus que 60 hommes de 180 qui sont montés en ligne…et pas d'eau. Le ravitaillement est impossible. Jour et nuit, pas un instant de trêve, toujours sur le qui-vive, être prêt à tout instant à faire le coup de feu, et joujours ce feu d'artillerie. Les obus ! Les obus ! fou... C’est à devenir fou ! Et voilà que ça recommence ! Le Francillon canarde. Ah! Ce Mort-Homme, c’est le plus sale coin de toute la zone des armées. Et combien de victimes ce coin a-t-il coûtées ! Combien en coûtera-t-il encore ?»

Du 4 au 24 juin, les Allemands reprennent leurs attaques et et tentent à partir du ravin de bois Camard de forcer le passage du Col de Pommérieux (Cote 290) pour tourner à la fois le bois d'Avocourt et la Cote 304. Mais les assauts, à chaque fois, sont repoussés. Les positions tenues sont globalement les positions les plus avancées qu'ils parviendront à conquérir. Les Français s'accrochent aux pentes sud des deux piliers de la défense de Verdun. 

L’offensive allemande sur la rive gauche échoue. « Ils n'ont pas passé ». Mais les régiments français et allemands fondent dans la fournaise. Les pertes dans les deux camps sont très lourdes.

La bataille de Verdun se termine fin août pour les Allemands, après le remplacement de Falkenhayn et l’échec de l'offensive du 11 juillet arrêtée près du fort de Souville. Pour les Français, elle se poursuit jusqu'à la reprise des forts de Douaumont, Vaux et l'offensive du 15 décembre qui repousse les Allemands sur une ligne proche de celle du 20 février. 

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Mais, rive gauche, Mort-Homme et Cote 304, qui ont été si chèrement défendus, sont toujours aux mains des Allemands. Il faut attendre l'offensive française du 20 au 24 août 1917 pour les reconquérir, après de sanglants combats.


« La mort domine la crête d'une manière inconcevable... » écrira plus tard un témoin allemand qui se souvient des évènements vécus et des souffrances endurées. La double crête du Mort-Homme a été, avec la cote 304, au cœur des combats sur la rive gauche de la Meuse. Objet de prestige pour les attaquants et les défenseurs, Allemands et Français, l'endroit a été le théâtre de combats impitoyables, c'est ce que voulaient les généraux. Plus de 10 000 soldats français et allemands moururent en ce lieu; un nombre de combattants bien plus considérable encore y furent blessés et mutilés dans leur chair et dans leur âme pour le restant de leurs jours.


Source : Panneau d’informations sur le site du monument du Mort-Homme

Le Squelette du Mort-Homme

L’inauguration du monument - Article paru dans l'Est Républicain du 25 septembre 1922 / Source : gallica.bnf.fr

Verdun, 24 septembre
La pluie de ce matin a cessé et c’est sous un ciel encore menaçant que va se dérouler la cérémonie d'inauguration du monument aux morts de la 69e division. Dès le matin, les différents trains ont amené de nombreux pèlerins dans la région du Mort-Homme. Beaucoup d'entre eux ont fait halte à Chattancourt : anciens combattants, parents, amis, sont venus rendre un témoignage de reconnaissance aux héros connus et inconnus qui opposèrent une héroïque résistance à la ruée allemande, notamment en avril 1915.

Sous le commandement du général Taufflieb, la division qu'il commandait a écrit une page sublime de l'histoire dans la défense de Verdun.

Dans une pieuse pensée, ce chef, qui eut le grand honneur de commander de tels hommes, a voulu perpétuer la mémoire de ceux qui, par leur sacrifice, sauvèrent la France et la civilisation. Groupant de nombreux adeptes. Il a fait ériger sur le point culminant du Mort-Homme un monument digne des braves qui défendirent cette cote tragique.


Discours du général Taufflieb lors de l'inauguration du monument à la 69e Division 

Dès 13 heures, les assistants se groupent autour du monument. Les anciens combattants présents se placent sous les plis de leur drapeau et un détachement du 22e tirailleurs avec la musique du régiment, prend également la place qui lui est assignée. Les diverses autorités qui viennent assister à la cérémonie arrivent dans cet ordre : les généraux Berthelot, Aubry et Taufflieb : MM. Bègue, préfet de la Meuse ; Senné-Desjardins sous-préfet ; Chevallier, sénateur ; Lecourtier député ; Schleiter président du Souvenir Français ; Mgr Gattinois, archiprêtre de la cathédrale de Verdun, ; le major américain Wuardel et le captaine Ely, et de nombreux officiers et personnalités de la région.


La cérémonie commence par l'exécution de la « Marseillaise », après laquelle Mgr Gattinois ouvre la série des discours. Représentant Mgr Ginisty, il rend hommage aux morts de la 69e Division, qui tous sont tombés, dit-il, pour que nous restions Français. Il parle également des généraux, officiers et soldats survivants qui, tous ont vaillamment lutté en ce lieu du Mort-Homme. Il cite, pour terminer, l’extrait d'une lettre d'un général à son épouse, au cours de la guerre : « Tu penses trop à toi, tu penses trop à moi, pense à la France, pense à Dieu ! »


La Légion d'honneur est remise à un capitaine par le général Taufflieb, puis Mme Caristie Martel, connue au cours de la guerre sous le nom de « Muse des Armées », déclame avec une troublante émotion les fameux vers de notre grand poète : À ceux qui pieusement sont morts pour la Patrie.


Léa Caristie-Martel, « la Muse des armées »
déclamera l’Hymne de Victor Hugo


Le général Taufflieb parle ensuite au nom des anciens soldats de la 69e Division d'Infanterie : il adresse des remerciements aux différentes autorités qui ont honoré de leur présence cette cérémonie patriotique et remercie également les amis de France et d’Amérique, qui ont collaboré à l’œuvre du monument. Il se fait l’interprète de M. Poincaré et exprime les regrets du président du Conseil, retenu à Marseille.

Le général Taufflieb confond dans le même hommage les héros du Mort-Homme de l'Yser, de la Marne, de Douaumont. Après avoir fait l’historique de la 69e Division, dont la moitié de l’effectif succomba du 11 avril au 30 mai 1916, il déclare que ces hécatombes, furent terribles, mais sauvèrent la situation périlleuse sur ce front, et il rend hommage aux troupes américaines, en rappelant le souvenir du vaillant général Pershing.

Pour terminer, le général Taufflieb, qui revient d'Amérique, fait un exposé caractéristique de l'idéal américain qui est bien fait pour nous rassurer ; il exprime la confiance en la politique de M. Poincaré, qui vient une fois de plus de mériter cette confiance dans les affaires du Proche-Orient.

Plusieurs orateurs prennent ensuite et successivement la parole : le général Audry, représentant M. Maginot, et le général de Lardemelle. M. du Chauffeau au nom du Comité franco-américain, et M. Bègue au nom du gouvernement. Tous rendent le même hommage aux héros de la 69e division. Des couronnes et des palmes sont déposées sur le monument.

Description du monument 





Article paru dans l'Est Républicain du 25 septembre 1922 / Source : gallica.bnf.fr

Œuvre du scuplteur Froment-Meurice, ce monument en pierre taillée, haut d'environ 8 mètres, est constitué par un socle d'environ 9 mètres de long sur 5 mètres de large. Il est surmonté d'un tombeau duquel sort un squelette géant tourné vers l'Est et tenant dans le bras gauche plié le drapeau de la 69e Division Le bras droit levé tient une branche de laurier.

Sur la face, on lit « Ils n'ont pas passé ! »

Puis « Aux morts de la 69e Division, soldats des 251e, 254e, 267e, 217e, 306e, 332e d'Infanterie, artilleurs, sapeurs, cavaliers, leurs admirateurs, leur camarades, leurs chefs reconnaissants », Le général Taufflieb.

Derrière, sur la face supérieure du socle, sont inscrits les noms des officiers et soldats de la 69e Division, qui tombèrent au Mort-Homme durant son séjour en avril et mai 1916.


Article paru dans le Bulletin Meusien du 1er octobre 1922 / Source : gallica.bnf.fr


Au Mort-Homme

Cérémonie du dimanche 24 septembre

Le discours du général Taufflieb est un éloquent historique de l’admirable défense de la position du Mort-Homme :

« Mes chers amis, l’éminent maître M. Jacques Froment-Meurice, dans un superbe monument, a sculpté avec son ciseau la France victorieuse qui exprime sa volonté de vivre, malgré toutes ses régions dévastées ; ce soldat, déjà à moitié entré dans la mort, qui se réveille en brandissant le laurier de la victoire, fixera sur ce sommet empierré d’ossements le souvenir des luttes opiniâtres, des sacrifices innombrables qui ont préservé l’intégrité de la patrie. Toutes ces morts, n’auront point été inutiles puisqu’elles auront permis à la France de vivre. Terre millénaire du sacrifice, la France a accepté, une fois de plus, en ces lieux, le sacrifice de 6000 de ses enfants, pour pouvoir continuer à porter le flambeau auquel s’éclairent toutes les nations du monde civilisé. »


Extrait de La Renaissance de l’art français et des industries de luxes ; directeur Henri Lapauze 1922 / Source : gallica.bnf.fr 

Un Monument aux Morts au Mort-Homme
Évoquant le chef-d'œuvre de Ligier-Richier (le Transi de René de Chalon), M. Barrès émettait le vœu, dans un brillant article, qu'un sculpteur commémorât un jour, sous la forme d'un squelette sortant d'un tombeau, la somme de sacrifices consentie par nos soldats.

Au moment où paraissait cet écrit, le sculpteur Froment-Meurice avait déjà soumis au Comité du Monument aux défenseurs du Mort-Homme que préside le général Taufflieb, sénateur de Strasbourg et ancien commandant de la 69e Division, la maquette d'une statue figurant la mort qui brandit un drapeau.

Le moyen âge était familier de ce genre de symboles. Holbein et Dürer, dans l'œuvre desquels l'esprit gothique triomphe si souvent de la forme renaissante, évoquent la mort dans une série de danses macabres et, beaucoup plus tard, le Cavalier Bernin introduit son image dans le monument du pape Alexandre VII. Si le style classique de la haute Renaissance excluait de semblables modes d'expression, le Baroque, cette synthèse des antithèses, joint le réalisme classique au mysticisme médiéval, et restitue à l'art statuaire les éléments d'action spirituelle. 

Des œuvres authentiques militent donc en faveur de la conception de M. Froment-Meurice, et constituent sa meilleure arme de défense théorique. Mais cette conception une fois admise, il restait à mettre sur pied une statue capable de la justifier. M. Froment-Meurice n'a pas failli à sa tâche ; il réalisa une œuvre qui émeut tout en s'imposant par ses vertus spécifiquement plastiques.


Le monument à la 40e division 

Le monument à la 40e Division


Le monument à la 40e Division

À une centaine de mètres du monument à la 69e Division, a été élevé, le 28 mai 1939, un monument de granit à la mémoire de la 40e division d'infanterie sur lequel est gravée une épée et inscrite la phrase : "Qui que tu sois, Français qui passe, arrête toi et salue. Donne un peu de ton coeur à ceux qui sont morts ici pour toi".


Article du quotidien Excelsior daté du 29 mai 1939 / Source : gallica.bnf.fr

Inauguration au Mort-Homme du monument élevé à la gloire de la 40e division d'Infanterie

VERDUN, 28 mai. - Par un temps mi-nuageux, mi-ensoleillé, le général Loizeau, commandant la 6° région, a présidé ce matin l'inauguration du monument élevé, au Mort-Homme, à la gloire de la 40° division d'infanterie, qui tant devant Verdun qu'en divers points du front français, écrivit une des pages les plus émouvantes de la guerre. 

Plusieurs milliers d'anciens combattants, venus notamment de Paris, ont assisté à la cérémonie. M. Toussaint, capitaine de réserve, secrétaire général du comité organisateur, a prononcé une allocution dans laquelle il a dit notamment : « Que ce monument de granit rappelle à tous le sacrifice de nos camarades et montre à tous que lorsque des hommes de toutes les classes veulent résister et défendre le sol de la liberté ils y arrivent. Nous avons eu des pertes, oui, mais le résultat est la : ils ne sont pas passés ! »

Entre le monument à la 69e Div. et celui à la 40e Div.

05/11/2022

Juvigny-sur-Loison et sainte Scholastique

La vie de sainte Scholastique

La vie de sainte Scholastique est assez peu connue. La sœur (jumelle selon la tradition) de saint Benoît, fondateur de l’ordre des Bénédictins, est probablement née vers 480 à Nursie à une centaine de kilomètres au nord de Rome.

 
Verrières conçues par l’abbé Gervaise, curé de Juvigny, 
réalisées de 1929 à 1931 par Joseph Benoît 
Église de Juvigny-sur-Loison

Elle était moniale dans un monastère proche de celui de son frère Benoît (monastère du Mont Cassin). Saint Grégoire le Grand, par qui nous connaissons la vie de saint Benoît, nous rapporte un épisode important sur leur relation. Ils avaient l'habitude de se rencontrer un fois par an dans une maison proche du monastère de Benoît.

Saint Benoît et Sainte Scholastique 
Église de Juvigny-sur-Loison

Un soir, alors que Benoît veut mettre fin à leur entretien pour regagner son monastère comme le prévoit la règle, Scholastique le supplie de rester encore à parler de Dieu. Benoît refuse sèchement. Sa sœur, en larmes, supplie Dieu et voilà qu'un violent orage éclate dans le ciel serein. Aux reproches de Benoît qui ne peut plus sortir, elle répond : "Je t'ai supplié et tu ne m'as pas écouté, j'ai supplié mon Dieu et lui a entendu ma prière". Voyant ce miracle évident, l’homme de Dieu comprit qu’il ne devait pas résister plus longtemps au pieux désir de sa sœur. Ils purent ainsi converser toute la nuit. Le lendemain, avant le lever du soleil, l’orage était complètement passé, ils se quittèrent pour ne plus jamais se revoir en ce monde.

Verrières conçues par l’abbé Gervaise, curé de Juvigny, 
réalisées de 1929 à 1931 par Joseph Benoît
Église de Juvigny-sur-Loison

Scholastique avec l'apôtre Jean et son frère Benoît par le Maître de Liesborn, 
détail du retable de Liesborn (1465), National Gallery, Londres / ©️Wikimedia Commons

Trois jours après cette rencontre (le 10 février 543) , d’après le récit de Grégoire, Benoît eut la nouvelle de la mort de sa sœur dans un songe divin : il vit l’âme de sa sœur monter au ciel sous la forme d’une colombe blanche. Il voulut donc l’ensevelir dans la tombe qu’il avait préparée pour lui et où il sera aussi enterré, 40 jours plus tard (le 21 mars 543.)


Du Mont Cassin au Mans (660)

Tente sept ans après la mort de Benoît et Scholastique, le Mont Cassin fut envahi par les Lombards, sous la conduite de Zoto, duc de Bénévent. Les religieux s’enfuirent en toute hâte à Rome et un siècle s’écoula sans que personne ne tente de relever ces ruines. 

Vers 660, Béraire, évêque du Mans, eut une vision dans laquelle il reçut l’ordre d’aller chercher le corps de sainte Scholastique au Mont Cassin. Pour accomplir cette divine mission, il choisit quelques membres les plus vertueux de son clergé et les envoya en Italie munis des instructions nécessaires. Dans les premiers jours, les délégués du Mans demandèrent l’hospitalité aux moines de Fleury-sur-Loire (actuellement Saint-Benoît-sur-Loire dans le Loiret).


Or, saint Mommole, abbé de ce monastère, avait lu, depuis peu, dans les Dialogues de saint Grégoire le Grand, le récit de la dévastation du Mont Cassin. Profondément affligé de voir saint Benoit enseveli sous un amas de décombres, il décida de faire transporter son corps à Fleury. Deux religieux furent désignés pour cette mission ; tout était prêt pour le départ, quand arrivèrent les envoyés de Béraire. 


Ils furent accueillis comme il se doit, et sans que chaque groupe ne connaisse le projet véritable de l’autre, ils décidèrent de gagner Rome ensemble. Après avoir visité les lieux saints de la Ville éternelle, ils se séparèrent et prirent secrètement le chemin de la sainte montagne où ils se rencontrèrent de nouveau à leur grande surprise.


Invention des reliques au Mont Cassin
J.Benoît - Église Saint-Denis, Juvigny-sur-Loison
 


Ils mirent alors leurs efforts en commun et finirent par retrouver les ossements des deux saints corps qu’ils déposèrent dans une châsse préparée pour l’occasion.  À partir de cette époque, le monastère de Fleury porta le nom de Saint-Benoît-sur-Loire.


Après quelques jours de repos, les envoyés du Mans, songeant à retourner dans leur pays, demande en partage les reliques de Sainte Scholastique. Mommole oppose d’abord une grande résistance et finit par céder à leur juste réclamation. Les reliques de la nouvelle sainte patronne du Mans furent accueillis par une procession sans fin. Cette translation eut lieu vers le 11 juillet 660. 


Du Mans à Juvigny (874)

A la fin du IXe siècle, la reine Richilde, reine de France, épouse du roi Charles II le Chauve, petit-fils de Charlemagne, va fonder sur ses biens propres, une abbaye bénédictine à Juvigny et y amener du Mans les reliques de sainte Scholastique. Le récit de cette fondation et de cette translation, écrit par un témoin oculaire, inscrit dans les plus vieux parchemins de l'abbaye est heureusement parvenu jusqu'à nous sous forme d'imprimé. En voici le contenu :

« Durant les jours du saint Carême, l’Empereur, le seigneur Charles, accompagné de l'impératrice Richilde demeuraient dans le monastère de Saint-Denis où ils désiraient passer, selon la coutume habituelle, ces journées saintes. Un certain jour (vraisemblablement le 21 mars 871), alors qu'ils étaient assis pour le repas, le lecteur vint selon l'usage pour procéder à la lecture ; or il se trouva qu'il prit le livre des Dialogues du pape saint Grégoire. Au cours de sa lecture, il parvint au chapitre où est rapportée la visite que saint Benoît avait l'habitude de rendre à sa sœur chaque année.

Dès que la reine Richilde eut entendu cette lecture, elle fut embrasée d'un tel amour pour la vierge Scholastique qu'elle estima que rien ne serait meilleur pour elle que de pouvoir posséder des reliques de cette sainte et de construire en son honneur une basilique et un monastère. C'est pour cette raison qu'elle se rendit auprès du vénérable abbé Gozlin et de son frère qui avaient sous leur garde la ville du Mans, en leur demandant qu'elle puisse obtenir, grâce à leur obéissance et leur aide le corps de la bienheureuse vierge Scholastique. 

Eux, cependant, le lui refusèrent catégoriquement, disant qu'ils ne pouvaient le faire d'aucune manière. La reine ayant essuyé ce refus formel, estima qu'il ne serait possible de satisfaire son désir qu'en implorant la miséricorde divine et le secours de la Sainte Vierge.
Elle se prosterna alors aux genoux de l'Empereur (Charles n'a été sacré empereur à Rome que le 25 décembre 875), demandant sans cesse à son époux que lui-même en sa qualité impériale intervienne auprès du vénérable Robert, évêque de la cité du Mans, pour qu'il obtienne de lui ce que Gozlin et Geoffroy lui avaient refusé et qu'enfin, son vœu et son désir puissent être exaucés. L'empereur ayant différé durant longtemps sa décision, son épouse insista sans cesse par ses prières jusqu'à ce qu'elle obtint sa promesse, en s'évertuant aussi d'obtenir les reliques de la vierge sainte, selon la volonté de Dieu.

Or, il se trouva à cette époque que le roi Charles se dirigea vers l'Anjou, pour une expédition contre les païens (Charles assiégea la ville d'Angers occupée par les Normands au mois d'août 873) et la reine se rendit alors auprès de lui, dans la cité du Mans, attendant le retour de son époux. Aussi durant le séjour du roi en Anjou, la reine, n'oubliant pas son vœu, demanda avec beaucoup d'empressement à l'évêque Robert, et en insistant de toutes sortes de manières, qu'il accepte de lui donner les reliques de la vierge sainte Scolastique. 

Anne d'Autriche et ses enfants, Louis XIV et le duc d'Anjou,
remerciant saint Benoît et sainte Scholastique -
1775 (copie d’après Philippe de Champaigne) 
Église Saint-Denis de Juvigny-sur-Loison

Tableau de Philippe de Champaigne - 1640 -
Château de Versailles / Wikimedia Commons

Or il se trouvait que ces reliques avaient été mal gardées, du fait des invasions des païens, qui avaient criminellement incendié le monastère où elles se trouvaient exposées (vers 865-866). Aussi, la reine ayant appris qu'elles se trouvaient dans un lieu très mal protégé, décida de les faire garder attentivement et vénérer en ce lieu. Cependant, l'évêque différa longtemps sa décision, hésitant de s'engager et expliquant en même temps qu'il ignorait le lieu exact où la vierge sainte se trouvait inhumée dans la basilique. 

Et pourtant la reine continua d'aller trouver chaque jour l'évêque et de l'importuner de ses prières, qu'elle ne cessa de répandre jusqu'à ce qu'elle ait obtenu la promesse de l'évêque qui estima qu'il s'agissait de la volonté de Dieu et de la vierge sainte Scholastique; il devait accéder au désir de la reine. 

C'est dans ces conditions que l'évêque se rendit dans la basilique sous le prétexte d'y prier, mais en réalité dans le but d'accéder au souhait de la reine. Ainsi, quand ils parvinrent à l'église, alors qu'il restait peu de fidèles, tous les autres étant partis, il leur fallut alors rechercher où pouvait se trouver le saint cercueil et pour le moins le découvrir. 

Or le gardien de ce lieu, qui était de nationalité irlandaise, connaissait le secret, mais ni les menaces de la reine, ni celles de l'évêque ne parvinrent à le contraindre à révéler la vérité. Alors la reine se jeta sur lui, en lui disant qu'elle le ferait mutiler en lui arrachant les membres s'il ne dévoilait pas ce secret. Il indiqua alors l'endroit, situé sous l'autel, dans lequel en creusant assez profondément, ils trouvèrent dans le sein de la terre le trésor désiré. 

Rendant désormais grâces à Dieu, ils louèrent le Seigneur qui avait daigné exaucer leurs justes prières. Relevant ensuite les saintes reliques, l'évêque donna à la reine la plus grande partie des ossements. Il renferma ensuite les reliques restantes de façon à ce que le peuple du Mans l'ignore et ne se tourne pas en murmures et en révolte. Quant à la reine, elle rassembla les ossements dans son propre vêtement en guise de linceul, et c'est ainsi qu'elle cacha son précieux larcin qu'elle transporta ensuite avec l'aide d'un serviteur, jusque dans la basilique publique de la cité. 

Ainsi le vœu de la reine était réalisé ; elle apporta alors les reliques au monastère de Juvigny où une basilique, tout à fait digne de les recevoir, fut construite. C'est là que les saintes reliques furent inhumées au milieu des hymnes, des cierges et des chants, et où se manifestèrent et se manifestent encore de nombreux miracles que le Seigneur Jésus-Christ daigne réaliser de façon manifeste à cause des mérites de la vierge sainte Scholastique.

Translation des reliques à Juvigny-les-Dames (874)
J.Benoît - Église Saint-Denis, Juvigny-sur-Loison 

En y apportant, le 8 juin 874, les reliques de sainte Scholastique la reine espérait certainement donner un lustre tout particulier à sa « fondation » et pourtant, jusqu'à sa disparition à la Révolution, Juvigny a connu une histoire sans aucun faste. À la mort de Charles le Chauve, survenue trois ans plus tard (877), Richilde est encore très jeune (elle doit avoir environ 25 ans) ; reine et impératrice elle aurait pu se retirer comme moniale dans l'abbaye qu'elle avait fondée, mais elle préféra vivre dans le siècle en prenant le voile de veuve. Son inconduite lui valut de vifs reproches de l'archevêque de Reims, Foulques. Elle devait vivre encore de longues années; sa mort surviendra un 30 janvier, de 914 très probablement.
 

De l’abbaye à l’église paroissiale Saint-Denis (1804)

Survient alors la tourmente révolutionnaire: les bâtiments conventuels sont confisqués comme biens nationaux, les vœux religieux sont supprimés. La vente du domaine monastique aura lieu les 12 et 13 décembre 1799. Elle sera suivie de la destruction de la majeure partie d'entre eux, de l'église conventuelle en particulier. Il ne subsistera plus qu'une aile de l'abbaye du XVIIe siècle et une partie crénelée du mur de clôture. Les religieuses durent se disperser : le 1er décembre 1792, l’abbesse se retira au château familial d’Imécourt, où elle continuera de respecter fidèlement la règle de son ordre, avec quelques sœurs qui l'avaient accompagnée, jusqu'à sa mort survenue le 20 août 1807, à l'âge de 85 ans. Grâce à la fidélité et au pieux attachement des habitants de Juvigny à sainte Scholastique, Madame d'Imécourt put conserver dans un abri sûr les reliques de la sainte au cours de la tourmente révolutionnaire. A la suite de la signature du Concordat de 1802, l'abbesse d'Imécourt décida de remettre les reliques de sainte Scolastique à l'église paroissiale de Juvigny, ce qui eut lieu officiellement le 27 juillet 1804. Depuis lors, elles sont précieusement gardées. Elles furent préservées au cours des trois guerres de 1870, 1914 et 1940. Elles furent cependant l'objet de plusieurs prélèvements, dus à la prodigalité des évêques, qui firent des dons à différentes églises et monastères.

Eglise paroissiale Saint-Denis de Juvigny-sur-Loison

Châsse de sainte Scholastique (1828)

Lors de leur donation à la paroisse, les reliques furent officiellement reconnues par des témoins comme étant bien celles qui avaient fait l'objet d'un transfert en 1775. Une nouvelle vérification minutieuse eut lieu le 24 septembre1828 à l'occasion du placement des ossements dans une châsse d'argent vitrée par Mgr de Villeneuve-Esclapon ; ce reliquaire sera d'ailleurs transformé le 9 février 1870 et scellé par le vicaire général de Verdun. Le 29 octobre 1897, à la demande de Mgr Pagis, évêque de Verdun, les reliques sont expertisées du point de vue anatomique par le Dr Dubois, de Marseille, et furent l'objet d'un long procès-verbal canonique. Une autre expertise datant du 25 juin 1955 permit de confirmer que les ossements de Juvigny étaient bien ceux d’une femme vivant à l’époque de sainte Scholastique.

Oratoire Sainte Scholastique - Juvigny-sur-Loison

Cet oratoire est érigé sur l’emplacement de l’église abbatiale de l’abbaye royale bénédictine de Juvigny-les-Dames, détruite en 1794, en commémoration du deuxième centenaire de la remise des reliques de sainte Scholastique à la paroisse de Juvigny-sur-Loison le 29 août 1804, par Madame Marie-Victoire-Louise de Wassinhac d’Imécourt, dernière abbesse du monastère. Le statue est un don de l’abbé Paul Mellier.

Sources / Bibliographie

  • Sainte Scholastique et Juvigny-sur-Loison par Dom Jacques Hourlier, 1974 / Diocèse de Verdun, paroisse de Juvigny-sur-Loison 
  • Histoire de sainte Scholastique et de ses reliques par M. l’abbé Raulin, curé de Fains, 1857 / The British Library
  • L’abbaye royale de Juvigny-les-Dames par M.A. Benoît, membre de la Société des Lettres, Sciences et Arts de Bar-le-Duc / Mémoires de la Société des Lettres, Sciences et Arts de Bar-le-Duc, 3e série, Tome 1, 1892 / Université de Californie (p 45 à 83)

27/10/2022

Souilly pendant la guerre 1914-1918

La mairie de Souilly (façade Ouest en haut, Est en bas)


Modeste village de 561 habitants en 1911, Souilly est tourné vers l’agriculture et le commerce avec de nombreux artisans à la veille de la Grande Guerre. A partir de février 1916, Souilly devient rapidement un haut lieu diplomatique. La commune est située au cœur de la Voie Sacrée, route reliant Bar-le-Duc à Verdun, et permettant le ravitaillement vers le front. Elle était à la fois assez proche pour diriger la bataille et suffisamment éloignée pour y être en sécurité. 


Le Général Pétain installe son Quartier Général en février 1916 dans la mairie du village. Les généraux Nivelle, Guillaumat et Hirschauer lui succèdent. Le 21 septembre 1918, le Général Pershing commandant de la lère Armée Américaine y établit son QG afin de diriger l’offensive Meuse-Argonne.


Souilly devient rapidement une ville de garnison accueillant environ 10 000 personnes avec l’apparition de plusieurs infrastructures. Un hôpital ordinaire d’évacuation (HOE) de 1100 lits est inauguré en octobre 1916 ; il accueille blessés et malades avant d’organiser leur évacuation sanitaire. Un camp regroupe plus de 5 000 prisonniers allemands. Le terrain d’aviation peut recevoir jusqu’à 80 appareils. Des cimetières militaires sont également créés afin de permettre l’inhumation des soldats tombés au combat.

Le Quartier Général de la IIe Armée 

Le Quartier Genéral de la Ile Armée se compose d'un état-major et d'une DES (Direction des Étapes et des Services). Ils permettent d'organiser le front. A Verdun, le Général Pétain crée des secteurs, occupés et gérés par des corps d'armées. Chaque bureau a des fonctions particulières.
  • Le 1er Bureau veille aux effectifs et au  ravitaillement. Il gère également les prisonniers.
  • Le 2e Bureau est chargé de rassembler des renseignements sur l'ennemi, grâce à l'aviation, aux interrogatoires de prisonniers et aux écoutes téléphoniques.
  • Le 3e Bureau prépare et soumet des propositions au Général qui fait son choix. Il veille ensuite à l'exécution des ordres.
  • La DES exerce la direction d'ensemble de l'Artillerie, du Génie, du Service automobile, de la Télégraphie de 2e ligne, de l'Aéronautique, de l'Intendance, du Service de santé, du Service vétérinaire, de la Poste et du Trésor.


Une journée type au QG

8h00 : Lecture des comptes rendus


L’officier de service de nuit vient lire les comptes-rendus téléphonés par les différents Corps d’armée. Une fois approuvé par le Chef d’état major, il est téléphoné aux 3e bureaux intéressés et ces derniers donnent en échange un aperçu de la situation sur tout le front.  


9h00 : Réunion 


Les chefs des bureaux, les directeurs des services et les Généraux des Armées écoutent le Chef d’état-major lire la synthèse des pièces de courrier et des événements au front. Les officiers présents précisent les grandes lignes du travail accompli depuis la veille dans leur département. Le Chef d’état-major développe la pensée du Commandant de l’Armée. 


10h00 : Dépouillement du courrier 


Le Chef d’état major et son Sous-chef choisissent les pièces importantes pouvant intéresser le Général commandant l’Armée. Les autres sont expédiées aussitôt aux divers bureaux. 


11h00 : Décisions du général commandant l’Armée


Le Chef d’état-major passe chez le général, commandant l’Armée, fait ses remarques et provoque pour chacune une décision. Une fois revenu, il étudie avec son Sous-chef les détails d’exécution des affaires importantes, puis les pièces sont portées aux divers chefs de bureaux qui doivent les traduire en ordres ou instructions.


13h00 : Déjeuner 


15h00-18h00


Visites : Le Commandant de l’Armée visite des généraux, des troupes, des secteurs, des hôpitaux, des installations.


Préparation des attaques : Le Chef et le Sous-Chef de l’état-major retournent à leur bureau et étudient les questions soulevées par la future grande attaque dont l’Armée est chargée. 


Reconnaissance du terrain : certains jours, le Chef et le Sous-chef de l’état-major vont faire la reconnaissance personnelle du front ou d’un organe de la zone arrière de l’Armée.


18h00 : Courrier 


Réception des courriers provenant des Corps d’armée et tri pour ne communiquer au Général que les pièces qui doivent retenir son attention.


20h00 : Dîner 


22h00 : Lecture des comptes-rendus et bilan


Les comptes rendus des Corps d’armée et des officiers envoyés en liaison sont entendus ; s’ils ont remarqué des choses intéressantes, on les fait passer chez le Général. Bilan de l’activité aérienne par le commandant de l’aéronautique de l’armée qui reçoit ses instructions pour le lendemain. 


 

Les généraux 

Philippe PÉTAIN (1856-1951) : Commandant de la Ile Armée du 21 juin 1915 au 1er mai 1916.

©️Wikimedia/National Archives and Records Administration 

Robert-Georges NIVELLE (1856-1924) : Commandant de la Ile Armée du 1er mai au15 décembre 1916.

©️La contemporaine

Louis-Adolphe GUILLAUMAT (1863-1940) : Commandant de la Ile Armée du 15 décembre 1916 au 11 décembre 1917.

©️ Gallica/Bnf

Auguste Edouard HIRSCHAUER (1857-1943) : Commandant de la Ile Armée à partir du 11 décembre 1917.

©️Wikimedia Commons/Agence de presse Meurisse

John Joseph PERSHING (1860-1948) : Commandant de la 1ère Armée des Etats-Unis.

©️Wikimedia Commons

Le terrain d’aviation de Souilly


Au début de l'ottensive à Verdun, l'aviation allemande est nettement supérieure : elle aligne 270 avions contre 4 escadrilles françaises, soit environ une cinquantaine d'appareils. Lorsque Pétain établit son Quartier Général à Souilly, le commandement de l'Aéronautique de la lIe Armée y est également transféré. Le Général fait de ce que l'on commence à qualifier de «maîtrise de l'air» l'une de ses priorités. D'autres escadrilles, essentiellement de chasse, rejoignent rapidement la Meuse. Plusieurs villages servent alors de terrains à l'aviation.
Une escadrille est une unité aéronautique spécialisée en observation, bombardement ou chasse. Les avions qui la composent sont adaptés à cette spécialité. De nombreuses escadrilles stationnent à Souilly de 1916 jusqu'à la fin de la guerre. De brillants aviateurs passent ainsi dans le village, notamment des « as » qui comptabilisent plus de 5 victoires aériennes.


Les escadrilles 

Une escadrille est une unité aéronautique composée d'un personnel naviguant (pilotes, observateurs, mitrailleurs) et d'un personnel au sol (mécaniciens, conducteurs). Chaque escadrille se choisit un insigne, à l'iconographie très symbolique, pour se distinguer dans les airs. La catégorie d'avions qui la constitue en majeure partie détermine sa dénomination : les escadrilles composées essentiellement d'avions Nieuport portent ainsi la lettre N devant leur numéro. Ces avions sont employés pour une spécialité précise (observation, bombardement ou chasse) selon leur poids, leur armement et leur capacité d'équipage. Malgré la spécialisation de chaque escadrille, leurs affectations et leurs zones d'action, voire leurs misssions, peuvent varier selon les besoins. 

Les escadrilles stationnées à Souilly sont essentiellement des escadrilles de chasse, dotées d'avions monoplaces, Nieuport ou Spad. Certaines de ces escadrilles, réunies sous un seul commandement, forment un Groupe de Combat possédant son propre état-major.
Les Groupes de Combat sont créés en octobre 1916 afin de remplir des missions très polyvalentes :
        • Combat offensif contre les avions ennemis
        • Destruction de Drachen (ballons d'observation allemands)
        • Attaque des troupes au sol à la mitrailleuse ou à la bombe
        • Reconnaissance et liaison
        • Protection des autres escadrilles.
Quelques escadrilles qui ne sont pas dévolues à la chasse, mais uniquement à l'observation et au bombardement, occupent également le terrain de Souilly, avec leurs avions Farman et Breguet.

Les camps de prisonniers de Souilly


Pour les Allemands faits prisonniers sur le champ de bataille de Verdun, Souilly est un lieu de passage inévitable, quelque soit l'issue de leur captivité. En effet, après avoir été capturés sur le front, les prisonniers allemands sont amenés au parc de prisonniers de l'Armée, à Souilly. Ils y effectuent une visite médicale. sont triés, interrogés, et leur argent changé par des cartons frappés d'une valeur en francs.
Les officiers sont envoyés dans un dépôt spécifique, les malades à l'hôpital de Benoite-Vaux et les blessés à celui de Revigny. Tous les autres prisonniers sont mis en quarantaine pour une durée minimum de quinze jours dans un camp d'isolement à proximité. Jusqu'à 5000 prisonniers se sont trouvés dans ce camp après la reprise du fort de Douaumont par les Français le 24 octobre 1916. Enfin, ils sont évacués (essentiellement par voie ferrée) vers la zone intérieure, ou restent dans la zone des armées, dans des compagnies de travailleurs effectuant des taches pour le compte de l'Armée.
On peut estimer que trois camps différents se trouvent à Souilly pendant la bataille de Verdun : 
  • le parc de prisonniers de l'armée, 
  • le camp d'isolement, 
  • une compagnie de travailleurs. 
Concernant les conditions de détention dans ces camps, il est certain qu'elles ne respectent pas les conventions internationales pourtant signées par la France avant la guerre, telles que la Convention de La Haye de 1907 exigeant que les prisonniers de guerre soient « traités avec humanité ».
Sous prétexte de « réciprocité » (la France se justifie de ne pas respecter les conventions car les Allemands ne le font pas eux-mêmes), les conditions de détention des prisonniers allemands sont en réalité extrêmement dégradantes, Souilly étant qualifié de « camp de représailles » pour l'armée du Kronprinz.



L’Hôpital d’évacuation de Souilly

L'évacuation des blessés du front est organisée en une véritable chaîne composée de 5 étapes :
  1. Relèvement du blessé sur le champ de bataille par brancard ;
  2. Arrivée au poste de secours ;
  3. Prise en charge par les ambulances ;
  4. Hôpital ordinaire d'évacuation (HOE) ;
  5. Hôpital secondaire ou spécialisé.
Un HOE est une formation sanitaire qui recueille et soigne les blessés et les malades. Le tri des patients à l'entrée est primordial. Il permet d'évacuer les blessés vers d'autres formations sanitaires mieux adaptées ou bien de procéder directement à l'hospitalisation s'ils sont intransportables à cause de leur état ou d'une maladie contagieuse. 

Dès 1915, le projet d'un hôpital d'évacuation primitif est envisagé à Souilly, projet qui ne sera pas abouti entièrement. Néanmoins lors de la construction de la ligne de chemin de fer 6bis passant à Souilly, le plan d'édification d'un nouvel HOE est repris. Le centre hospitalier est situé à 1 km à l'ouest de la commune, en bordure du quai de la ligne 6bis. L'HOE de Souilly est rattaché au 15° Corps d'armée, décision prise par la direction du Service de santé de l'armée. Inachevé, il est inauguré le 24 octobre 1916. À cette date, l'hôpital dispose de 600 lits destinés aux évacuations et de 500 lits pour les hospitalisations.

Initialement l'hôpital devait accueillir uniquement des blessés couchés et les blessés graves. Du fait d'un nombre élevé de soldats à évacuer, des blessés assis, mais également ceux avec des blessures moins importantes sont accueillis à Souilly. Cet hôpital reste en activité jusqu'au 26 août 1918.

Chaque HOE est construit sur un même modèle afin de faciliter la prise en charge des patients. D'après la convention de Genève, ratifiée en 1864, le personnel des hôpitaux militaires est dans l'obligation de soigner l'ensemble des patients sans distinction de nationalité.



Le musée de la Voie Sacrée

À l’occasion du centenaire de la bataille de Verdun, la commune de Souilly a inauguré le 22 avril 2016 le Musée de la Voie Sacrée, une exposition permanente de 160 m2. A travers des films d’époque, des photographies, des objets et des animations, le visiteur peut découvrir le rôle joué par Souilly durant la guerre 1914-1918.


Exposition réalisée grâce au financement du Consell départemental de la Meuse et du Gip objectif Meuse
pour la scenographie ; de la Maire de Souilly et de la Codecom Meuse Voie Sacrée pour les travaux sur le
bâtiment. 
Comité scientifique sous la direction de Véronique HAREL - Mission Histoire
Commissaires scientitiques:
Perrine VIGNOLLE - Mission Histoire / Mairie de Souilly
Matthieu MAUCHAMP - Mission Histoire
Marion DURAND-VIEL - Mission Histoire
Scénographie : Martin MICHEL

Le camion LATIL

A l'instar des Marius BERLIET, Louis RENAULT ou Armand PEUGEOT, Georges LATIL fait partie de ces pionniers français de l'industrie automobile naissante en ce début de XXe siècle.

Les concours militaires vont permettre à LATIL de se faire remarquer à partir de 1913, avec un camion d'un concept nouveau, le TAR, qui dispose de 4 roues motrices et directrices. Ses qualités de franchissement, même dans la boue, son excellent rendement en poids transporté font du TAR un remarquable tracteur de canons qui s'illustra pendant la guerre dans toutes les grandes batailles, en mettant en œuvre la composante d'artillerie. Georges LATIL a construit, à la même époque, plusieurs autres modèles de tracteurs à 4 roues motrices: les tracteurs porteurs, dits TP.

Le Latil TP

C'est un TP de 35 cv qui est exposé dans un local accolé à la mairie historique de Souilly. Il pouvait déplacer 10 tonnes de charge utile : 4 tonnes sur le camion et 6 tonnes  sur une remorque tractée. Contemporain du TAR, le TP est identique d'apparence, avec son capot «crocodile». Ses différences sont situées au niveau des roues : les bandages ne sont plus jumelés, seules les roues avant sont directrices et les 4 roues de même dimension n'ont plus que 5 rayons, toujours en acier moulé. Bien moins lourd que le TAR, c'est un porteur ou un tracteur porteur très polyvalent particulièrement adapté aux transports lourds, qui permet un rendement journalier élevé et à un moindre coût. Il servira fructueusement à tracter les canons lourds durant la guerre, ainsi que le charbon et les matières premières agricoles ultérieurement dans la vie civile.


Sources photos d’archives :

Collection « La contemporaine »
L’Argonnaute, bibliothèque numérique de La contemporaine

Source textes
  • Textes de l’exposition du musée de la Voie Sacrée
  • Dossier de presse : Souilly - Quartier Général de la IIe Armée