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05/01/2023

Le portail de l’église de Mont-devant-Sassey

Le portail sud de l’église Notre-Dame-de-l’Assomption de Mont-devant-Sassey est considéré comme le portail gothique (XIIIe siècle) le mieux conservé en Lorraine. L’intérêt suscité pour ce joyau architectural ne semble pourtant dater que de la fin du XIXe siècle.



Pour la description du portail, nous utiliserons l’article rédigé en 1991 par Hubert Collin dans « Congrès archéologique de France » / gallica.bnf.fr


« L'église de Mont est certes connue pour ses parties romanes mais son portail n'est pas de médiocre intérêt en dépit de son mauvais état de conservation comme on va le voir. Le portail s'ouvre sur un côté de l'église, ici le côté sud, selon le dispositif si classique en Lorraine et dont les cathédrales elles-mêmes (Verdun, Metz) ont donné l'exemple. Le portail de Mont est gothique. Son ornementation sculptée, en particulier le décor des chapiteaux, permet de le dater du XIII° siècle avancé. La sculpture s'apparente à l'art de la cathédrale de Reims, mais le style des grandes statues, qui est archaïque et malaisé, est celui d'un atelier « provincial », pour employer le terme consacré par l'usage, quoique impropre.




Le porche 

En avant du portail s'élève un porche, formant comme une loggia. Le porche est un édicule octogonal, couvert d'ardoises, avec un gracieux portail extérieur à colonnes ioniques portant un fronton en segment d'arc. Il date de 1754. Il est dû à un architecte de Verdun nommé François Wadelaincourt. Il portait autrefois les armoiries des Condé, seigneurs du pays. Il est fort probable que ce porche servit jadis d'auditoire de justice. […]

La construction du porche couvert est postérieure de près de 5 siècles à celle du portail sculpté

Le porche proprement dit est, vu de l'intérieur, un édifice cherchant à imiter le gothique ancien. Il a pour couvrement une voûte à ogives rayonnantes. Les ogives prennent appui, dans les angles, sur des faisceaux de trois colonnettes à bagues. L'édifice peut faire illusion sous le rapport de l'ancienneté, mais il n'est pas antérieur au porche extérieur. A l'origine, il devait exister là, non un édifice en pierre mais un édifice en bois. De tels porches, destinés à protéger le portail des intempéries et à donner quelque abri aux paroissiens, ne sont pas rares. 


Mais lorsqu'on examine le portail de Mont, on constate qu'à plusieurs endroits, les pierres sont rougies par le feu. Il y a même certaines parties qui ont tellement souffert de la violence des flammes que les pierres, ainsi que les reliefs qu'elles portaient, ont éclaté. Selon toute vraisemblance, le porche de bois ayant existé ici a été la proie d'un incendie, et c'est celui-ci qui est responsable des dégâts causés aux sculptures. Il est même probable que c'est lors du siège de 1653 que le sinistre a été consommé. La statue du trumeau ayant été victime de l'accident, on peut se demander par quel miracle les deux vantaux du portail, qui paraissent du XVe siècle, voire du XIVe, ont pû demeurer intacts. Avaient-ils été déposés auparavant, comme trop faciles à défoncer ? 

Le portail 

Au rez-de-chaussée, il y a une petite arcature aveugle dont les colonnettes se dressent sur un stylobate où l'on peut s'assoir. L'arcature inférieure, de petites dimensions, est richement ornée : monstres, têtes grimaçantes et animaux dans les écoinçons, chapiteaux gothiques à feuillage et à crochets, bases à moulures aplaties, en « assiettes retournées ».

Arcature orientale 

Arcature occidentale

Sous les grandes statues, les arcatures sont décorées de petits-bas-reliefs
aux motifs païens (chouette, masques grimaçants, dragon ailé).

Au-dessus, dans des niches à dais architecturaux, on trouve des statues debout au nombre de cinq de chaque côté ; quatre dans les niches et une cinquième à l'extérieur, en bout de rangée, adossée aux colonnettes recevant l'archivolte et les ogives. 

Dais architecturaux constitués d’une frise de tours et de maisons

Ébrasement gauche et ébrasement droit

Le tympan 

Le tympan se divise lui-même en quatre registres horizontaux. Il porte lui aussi une iconographie intéressante. Le registre inférieur montre une Nativité, scène dissimulée en partie par une tenture. On distingue à droite l'Enfant-Jésus couché dans la crèche et, à l'extrémité, un personnage mutilé qui dut être un ange thuriféraire. Le registre médian présente, de gauche à droite, la Fuite en Égypte, l'Adoration des Bergers et l'Annonce aux Bergers ou l'Adoration des Mages, scène mutilée. Au registre supérieur, on ne distingue plus, à gauche, qu'un Massacre des Innocents, puis une scène détruite où Léon Germain de Maidy proposait de reconnaître le Miracle du champ de blé. Tout en haut, dans une niche, sous la clef de l'arc, il y a un personnage couronné, assis en tailleur par manque de place pour un trône plus conforme à sa dignité : c'est le roi Hérode qui régnait sur la Judée et qui, voyant dans le Christ un futur compétiteur éventuel à la royauté sur les Juifs, chercha à le faire mourir en ordonnant le massacre des Innocents.

Le tympan comporte quatre registres consacrés au cycle de l’Enfance du Christ.
Malheureusement, le tympan a souffert du temps et certaines scènes sont incomplètes,
ce qui rend l’identification parfois incertaine.
La Vierge couchée dissimulée par une énigmatique tenture/teinture rouge
L’Enfant Jésus dans la crèche accompagné du bœuf et de l’âne
L’Adoration des Bergers
La Fuite en Égypte
Le Massacre des Innocents

Les grandes statues

Nous avons évoqué leur gaucherie, mais leur intérêt iconographique est grand, leur signification collective d'un intérêt plus grand encore. Du côté droit se présentent d'abord Ève et Adam, demi-nus, avec des vêtements de feuillage, dans une attitude penaude qui sied à ceux que l'Archange vient de chasser du Paradis terrestre. Ensuite vient un Moise, porteur des tables de la Loi, en robe plissée, avec de part et d'autre du front les « cornes » de lumière qu'on s'attend à trouver chez le fondateur de la loi. Le personnage suivant est Abraham, les yeux au ciel, attendant l'ordre de sacrifier son fils Isaac debout devant lui, sur un bûcher non allumé. En bout de rangée se tient Noé, devant le feu du sacrifice offert après le Déluge. 

Ébrasement droit (de gauche à droite) : Ève (1), Adam (2), Moïse (3),
Abraham et Isaac (4), Noé (5)

Ève et Adam
La représentation de Moïse cornu viendrait d’une mauvaise traduction latine
du texte hébreux où le mot rayonnant aurait été traduit par cornu. 
Isaac, pieds et poings liés, est juché sur l’autel de l’holocauste.

Au premier plan, l’autel de l’holocauste préparé pour le sacrifice d’Isaac.
Au fond, Noé élève un autel à la gloire du Seigneur et y immole certains animaux purs
que l’on voit périr au milieu des flammes.
Sous la console est représenté un homme avec un oiseau.
Cet homme, aujourd’hui acéphale, est Noé qui sort pour juger du niveau des eaux
par la fenêtre qu’il a aménagée dans l’arche, comme il est écrit dans la Genèse.
L’oiseau n’est autre que la colombe envoyée par Noé pour voir si les eaux avaient
diminué à la surface de la terre. 

Du côté gauche, on voit d'abord une statue de la Vierge, la nouvelle Ève faisant pendant à l'ancienne. On trouve ensuite l'Archange Gabriel, celui qui fut le messager de l'Annonciation. Le troisième personnage doit être un Siméon ou un Zacharie [Marie Lekane y voit plutôt le prophète Isaïe], le quatrième un prophète Isaïe ou un saint Jean l'Évangéliste [Marie Lekane y voit plutôt le prophète Jérémie], à cause des tablettes d'écriture portées par lui. Le cinquième personnage enfin, un homme barbu, vêtu d'une toge plissée, portant une banderole et une église d'où s'échappe un cours d'eau, est le prophète Ézéchiel. Nous devons son identification à la sagacité de M. Léon Pressouyre.

Ébrasement  gauche  (de  droite  à  gauche) :  scène  de  l’Annonciation (6 et 7)  
Isaïe ? (8) , Jérémie ? (9) , Ézéchiel (10)

Marie lors de l’Annonciation. Elle laisse apparaître sur son visage un sourire,
typique des Vierges de l’Annonciation et lié à l’annonce de la bonne nouvelle.

L’archange Gabriel

La maquette de l’édifice portée par le personnage et le flot
d’eau qui en jaillit ont permis d’identifier le prophète Ézéchiel


Un érudit local, Jeantin, avait jadis identifié l'inconnu avec Pépin de Laden, fondateur de l'abbaye d'Andenne, par l'intermédiaire de sa fille Begga (sainte Begge). Pourtant, l'eau s'échappant d'un temple avait de quoi alerter tous ceux qui connaissent un tant soit peu la liturgie du Temps pascal. Léon Pressouyre a su rétablir la vérité, dans sa splendeur éclairante.

Nous sommes en présence ici d'une figuration de la vision d'Ézéchiel, l'eau sortant du Temple. Pour saint Jérôme, cette eau salutaire était la doctrine du Christ. C'était aussi une allusion au baptême. Pour Rupert de Deutz, la vision d'Ézéchiel était prophétique. Elle symbolisait l'eau sortant du côté du Christ. L'Église étant le corps mystique du Christ, l'eau était celle de la Rédemption par le baptême. […] Et Léon Pressouyre de conclure en ajoutant que l'arche de Noé était le type même du symbole de la Rédemption baptismale, dès les premiers temps du christianisme.

De part et d'autre de l'entrée du porche, à l'intérieur, deux statues placées dans des niches complètent la série des statues du portail. L'une représente le roi-prophète David, couronné et tenant un livre ouvert. L'autre personnage est reconnaissable à la verge qu'il tient : c'est le prophète Aaron.

Le roi David soutient un livre ouvert de ses deux mains
(probablement le livre des Psaumes)
Le prophète Aaron tenant la Verge fleurie, 
symbole de l’enfantement du Christ par la Vierge

Nous avons dit que la statue du trumeau avait disparu. Il n'en reste que l'auréole, sous le dais architectural qui couronnait le tout. Que représentait la statue ? En bonne logique, ce devait être une statue de Notre-Dame, puisque l'église de Mont est placée sous l'invocation de la Vierge.

Le trumeau était probablement orné d’une Vierge en pied.
Les portes en bois d’origine datent du XIVe siècle.


Les voussures


Les claveaux des quatre arcs s'ornent d'une série de petits personnages assis ou debout. Une moitié d'entre a été détruite par le feu. Un examen rapide permet de reconnaître parmi eux des personnages choisis au sein des Douze Apôtres et des Évangélistes. On reconnaît aussi certaines scènes tirées de l'Écriture sainte. L'archivolte elle-même est décorée de rinceaux et de fleurs. »

Les voussures rougies par le feu probablement au XVIIe siècle 




Pour compléter cette description rédigée par Hubert Collin en 1991, prenons le temps de lire un extrait de l’étude réalisée par Marie Lekane en 2012 concernant la  lecture globale du portail de l’église de Mont-devant-Sassey.

« Avant toute chose, nous devons insister sur la concomitance de réalisation et de mise en place des statues. En effet, des caractéristiques communes ont pu être dégagées de l’ensemble. Au terme de cette étude iconographique, il apparaît dès lors que le programme iconographique de l’église de Mont-devant-Sassey est unitaire et réfléchi. La lecture typologique justifie la présence des personnages de l’Ancien Testament par leur lien avec le Nouveau. Ce lien est déterminant dans la compréhension de la présence des prophètes de l’Ancienne Alliance. Les couples d’Adam et Ève et de l’Annonciation sont spatialement liés et leur opposition symbolique est connue : Marie est la nouvelle Ève et son Fils, matérialisé au tympan, rachète le péché originel. Cette opposition symbolique constitue le pivot de la lecture typologique, le noeud sémantique du portail montois. Ézéchiel et Noé sont également placés en vis-à-vis ; tous deux préfigurent le sacrement du baptême.

De  la  même  manière,  les  personnages  de  l’ébrasement  droit répondent à la logique typologique. Moïse préfigure à la fois le Christ et saint Pierre. Il symbolise l’Ancienne Loi que Jésus n’abolit pas mais accomplit. Les correspondances typologiques établies entre les épisodes de la vie de Moïse et de Jésus sont nombreuses. Le serpent d’airain perché est le symbole de l’élévation du Christ sur la croix. L’offrande par Abraham de son unique fils préfigure l’immolation de Jésus sur la croix par son Père. Dans les deux cas, il y a consentement du sacrifié. Noé préfigure également le sacrifice du Christ. Il offre à Dieu des animaux et des oiseaux purs. Cet holocauste rétablit le contact entre Dieu et les hommes. En considérant que la statue disposée aujourd’hui dans la niche occidentale représente le roi David, ce personnage revêt également un sens christologique important, car il est non seulement une préfigure du Christ, mais également son ancêtre direct. Les présences combinées de Moïse, d’Abraham et de Noé évoquent la rédemption par le sacrifice de la croix. Les quatre scènes de sacrifice des voussures consolident la vision anagogique du sacrifice du Christ pour la Rédemption de l’Humanité.

À l’ébrasement gauche, sans que les identités des statues soient certaines, il est tout à fait possible qu’elles accompagnent et amplifient la scène de l’Annonciation. Ainsi Aaron et Ézéchiel sont-ils connus pour être des annonciateurs de la maternité virginale de la Vierge. La sacralité et la virginité de la Vierge sont aussi mises en exergue au tympan, dans la mise en scène peu commune de la Nativité. Les apôtres et les évangélistes des voussures sont des témoins de la vie, du Ministère et de la divinité du Christ. Ainsi, malgré les nombreuses représentations de la Vierge, il ne s’agit pas d’un programme mariologique, étant donné que  ce  ne  sont  pas  des  épisodes  de  la  vie  de  Marie  qui  sont  mis  en évidence.  Mais  Marie  constitue  le  « réceptacle  du  Christ »  et  le  pivot entre l’Ancienne et la Nouvelle Alliance. »

 L’heure de l’interro

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Sources et bibliographie


14/12/2022

Le Sépulcre de Saint-Mihiel

Le Sépulcre de Saint-Mihiel ou Mise au tombeau de Ligier Richier est un groupe sculpté du XVIe siècle conservé à l'église Saint-Étienne de Saint-Mihiel. C’est la dernière œuvre connue de l’artiste sammiellois avant son départ pour la Suisse (suite à sa conversion au protestantisme). Restauré au début des années 2000, cet ensemble est, sans conteste, l'œuvre la plus aboutie des productions de Ligier Richier, comme le confirme la description plus qu'élogieuse de Dom J. de l'Isle en 1757 : « [...] travaillée avec tant d'art et de délicatesse qu'elle est regardée par les habiles connaisseurs comme une merveille du monde ». 

Vue d’ensemble du Sépulcre de Saint-Mihiel

Le Sépulcre aurait été exécuté entre 1554, date de l'achèvement de la chapelle des Princes à la collégiale Saint-Maxe de Bar-le-Duc aujourd'hui disparue, et 1564, année du départ précipité de Ligier Richier pour Genève. Son fils Gérard l'aurait, à son retour en France, installé dans une des chapelles de l'église Saint-Etienne, à son emplacement actuel. Il devait probablement s'inscrire dans un programme plus vaste comportant une scène de crucifixion, ce qui pourrait expliquer la présence de personnages extérieurs aux représentations traditionnelles de la Mise au tombeau. Ce thème iconographique connut un grand engouement à partir du XV siècle, notamment en Lorraine où sont conservées plus de quarante «Mise au tombeau» sculptées en ronde-bosse. La prouesse de l'artiste réside dans sa capacité à introduire du rythme et de la vie dans une scène dominée par la mort. Les personnages, saisis sur le vif, semblent s'animer sous nos yeux.

L'influence de l'art italien, dont Ligier Richier a pu s'imprégner à travers la diffusion dans toute l'Europe de gravures, se fait sentir dans sa parfaite maîtrise de l'espace et de l'anatomie. La souplesse des attitudes et de la gestuelle, le soin apporté au rendu des expressions des visages, et le raffinement des vêtements font de cette œuvre l'une des pièces majeures de l'art de la Renaissance en Lorraine.

Le Sépulcre apparaît sur la première liste des monuments historiques de 1840 établie par Prosper Mérimée et est classé aux monuments historiques en 1907 avec l'église. Un moulage du Sépulcre est exposé à la Cité de l’architecture dans le département du Musée des Monuments français. Ce moulage est entré dans les collections du musée en 1895 et 1899, et fut complété en 2005, pour les moulages des murs et voûtes intérieurs de l’enfeu, par l’entreprise Mérindol.

Moulage du Sépulcre - Musée des Monuments français - Cité de l’architecture - Paris
Photo Wikimedia Commons

Description proposée par le panneau d’informations in situ


Le corps du Christ porté par Nicodème et Joseph d'Arimathie occupe le centre de la composition. Marie-Madeleine s'incline humblement à ses pieds. 

Dans l'axe, la Vierge qui s'affaisse sous le poids de la douleur, est soutenue par saint Jean et par une sainte femme. Un ange tenant les instruments de la Passion clôt la composition. A gauche, une sainte femme prépare le tombeau du Christ. A droite sont figurés plusieurs personnages habituellement absents des représentations de la Mise au tombeau. Au premier plan, une sainte femme tient la couronne d'épines. Derrière elle, saint Longin est identifiable à la lance qu'il tient dans la main gauche et dont il ne reste que l'extrémité. A l'arrière-plan, deux soldats jouent aux dés la tunique du Christ. 

Menacée par la remontée par capillarité des eaux présentes dans le sol, le Sépulcre a fait l'objet d'une importante campagne de restauration en 2003. Ces travaux ont permis d'assainir la chapelle et d'isoler les sculptures afin que les sels, présents dans l'eau, cessent de dégrader l'œuvre.

A cette occasion, une étude détaillée des sculptures a été confiée à la restauratrice Florence Godinot. Cette étude a mis en évidence la technique de Ligier Richier. L'artiste esquissait sur le bloc les contours de la figure avant de le tailler. Après l'avoir dégrossi, il le travaillait à l'aide de ciseaux, d'une gradine (ciseau muni de dents) et d'une ripe (outil recourbé). Certains détails des chevelures étaient réalisés au trépan (sorte de foret). Des goujons (sortes de chevilles) en os étaient utilisés pour assembler deux éléments. Plus de quatre cents ans après sa réalisation, les traces présentes à la surface de l'œuvre ont donc permis de reconstituer les gestes de son créateur.

Le 17 octobre 1988, l'administration des PTT émet un timbre-poste dans le cadre de la célébration du Sépulcre de Saint-Mihiel. La dessinatrice du timbre est Huguette Sainson.


Timbre-poste émis le 17 octobre 1988 - Wikitimbres


Description du Sépulcre rédigée par l’abbé Souhaut en 1883


« Au premier plan vous apparaît le corps du Christ, dans ce moment solennel, où Joseph d'Arimathie, aidé de quelques  amis et de plusieurs saintes femmes, s'apprête à l'ensevelir dans le tombeau qu'il avait fait creuser pour sa propre famille, non loin du sommet du Calvaire. Ce disciple dévoué, vous le voyez à votre gauche, tenant  sur l'un de ses genoux les jambes du Sauveur, pendant que Nicodème en supporte la tête et la poitrine. Au second plan, et un peu plus haut, afin de mieux observer la perspective, Marie, mère de Jésus, s'évanouit sous le poids de sa douleur. A la vue de son fils inanimé, elle s'affaisserait sur elle-même, si elle n'était respectueusement soutenue par saint Jean et Marie Cléophée, aïeule du disciple bien- aimé. 

Gravure figurant dans « Les artistes célèbres
Ligier Richier, sculpteur lorrain du XVIe siècle » 
par Charles Cournault - gallica.bnf.fr

Sept autres personnages complètent le groupe. Aux pieds du Christ, Madeleine agenouillée, effleure délicatement de ses doigts et de ses lèvres les pieds de son divin Maître. Véronique lui fait pendant ; droite, derrière Nicodème, elle contemple la couronne d'épines, qu'elle tient pieusement entre ses mains tremblantes. 

À votre gauche, dans l'enfoncement de la grotte, vous distinguez le Sépulcre et Salomé qui étend le linceul destiné à envelopper la sainte dépouille du Christ. 

À l'angle opposé, le centenier dont parle l'Écriture, réfléchit sur les événements mystérieux dont il a suivi l'accomplissement depuis le prétoire jusqu'à ce moment du grand drame de notre Rédemption. 

Placés comme intermédiaires entre les deux lignes principales du groupe, à droite, deux soldats accroupis devant un tambour, tirent au sort le prix de la robe du Christ ; à gauche, un ange tenant en main une croix, s'incline pieusement vers la Mère de douleurs, lui apportant, avec des paroles de condoléance, la promesse de la Résurrection. »

Le Christ soutenu par Nicodème

Le Christ, Nicodème et sainte Véronique
Sainte Véronique portant la couronne d’épines

Joseph d'Arimathie, un genou à terre, l'autre soutenant le Christ


Description du Sépulcre rédigée par Auguste Lepage en 1868


« L'église Saint-Etienne est très ancienne. Détruite et rebâtie plusieurs fois, le génie de Richier y a laissé l'œuvre la plus brillante qu'un artiste religieux puisse rêver. Dans une excavation située dans un des bas-côtés de l'église se trouvent réunies treize statues de pierre représentant les personnages qui mirent Jésus-Christ au tombeau. Le corps du divin martyr, soutenu par Joseph d'Arimathie et Nicodème, n'a pas encore la roideur qui est la marque distinctive de la mort. La figure du Christ respire la souffrance. Les deux disciples portent avec précaution leur précieux fardeau ; ils sont fatigués, et ils attendent qu'une des saintes femmes ait étendu dans le tombeau le suaire et les linges pour y déposer le corps du crucifié. Madeleine, à genoux aux pieds du Christ, attire principalement l'attention du visiteur ; c'est, je crois, le morceau capital de l'œuvre. Sous la femme convertie on devine la courtisane. Sa toilette est riche, sa poitrine opulente, et sous ces grands yeux qui pleurent la mort du Maître on sent une vague réminiscence de la femme d'autrefois ; cependant une douleur immense est peinte sur sa figure. L'artiste a admirablement saisi cette physionomie de Madeleine, qui a toujours tenté les peintres de toutes les époques.

Une autre femme tient dans ses mains la couronne d'épines ; elle contemple douloureusement cet instrument de honte posé par ses persécuteurs sur la tête du Christ. Au second plan, c'est le disciple bienaimé Jean, et une autre femme, soutenant la Vierge anéantie par la douleur. Ici encore se fait remarquer la grande habileté de l'artiste. Je l'ai dit déjà, sur les traits de Madeleine on peut lire sa vie ; on voit, on sent que la sainte qui pleure aux pieds de Jésus a à se reprocher des fautes graves. La douce figure de Marie, au contraire, annonce une vie pure, une conscience tranquille ; l'idée même du mal n'a jamais pénétré dans ce cœur tout plein de l'amour de son fils. La vue du tombeau qui va renfermer le corps du Christ produit sur Marie un effet tel, qu'elle s'évanouit. »

Vitrail de l'église abbatiale Saint-Michel à Saint-Mihiel, représentant 
le Sépulcre de l'église Saint-Étienne 
Le vitrail est signé en bas à droite : Nicolas Lorin, Chartres.

« Un centurion, assis sur son bouclier, contemple d'un œil étonné cette scène de douleur ; sur sa figure mobile se reflètent ses pensées ; il repasse dans son esprit les épisodes terribles du procès de Jésus-Christ ; il songe aux moyens que ses ennemis ont employés pour le faire condamner, et, tout en accomplissant ponctuellement sa consigne, il se dit que le supplicié était innocent. 

Deux de ses soldats jouent aux dés. Leurs figures expriment la cupidité ; ils ne prêtent aucune attention à ce qui se passe sous leurs yeux ; on devine que la partie est intéressée ; en effet, il s'agit des dépouilles du crucifié. 

Autant que je l'ai pu, j'ai fait ressortir les beautés contenues dans l'espace relativement étroit creusé dans l'église de Saint-Étienne. Chaque statue est un chef-d'œuvre d'anatomie : chose étonnante pour ce siècle, où un médecin disséquant un cadavre eût été regardé comme un criminel et peut-être condamné comme tel ! Dans les œuvres de Michel-Ange se fait remarquer la même perfection anatomique, et cette ressemblance entre ces deux génies vient à l'appui de ceux qui pensent que Richier a été réellement l'élève du grand sculpteur italien.

La pierre dont s'est servi Richier est blanche, d'un grain très fin ; mais elle est tendre : par conséquent l'humidité du sol finira, si l'on n'y prend garde, par dégrader de plus en plus ce beau morceau de sculpture. Il a été question de le déplacer; ce serait une faute très grave ; il est parfaitement à sa place, et ce qu'il y aurait à faire serait tout simplement de dessécher le sol, ce qui n'est pas impossible. Le sépulcre doit rester où il est actuellement, et ce serait une profanation, au point de vue de l'art, de vouloir le transporter dans un musée quelconque. »

Au centre, la Vierge en pâmoison.
À gauche de la Vierge,  Marie Cléophée et à droite, saint Jean

Saint Jean soutenant Marie


Marie Salomé déposant le linceul (Photo Wikimedia/Vassil)

Un ange tenant les instruments de la Passion

Marie-Madeleine baisant les pieds du Christ


Marie Salomé - Saint Longin le centurion 

Les deux soldats jouant la tunique du Christ aux dés


L’Est Républicain nous précise que la réhabilitation du Sépulcre de Ligier Richier a couté 248.292 €. La participation des différents partenaires a été de l’ordre de 40% pour la DRAC (Etat), 25% pour la région lorraine, 20% pour le conseil général et 15% à la charge de la ville de Saint-Mihiel, dont le directeur de la direction des affaires culturelles a souligné «l’immense richesse patrimoniale et artistique». Il est à noter que l’école d’architecture de Nancy a entrepris la numérisation de l’oeuvre du sculpteur sammiellois à l’aide d’un laser en trois dimensions.

Le Sépulcre est protégé par une grille en fer forgé


Sources 

  • Plaquette « La route Ligier Richier, pérégrination à la rencontre d’un sculpteur de la Renaissance » 
  • Panneau d’informations situé sur place 
  • Comité Départemental du Tourisme de la Meuse - Texte : Marion Méraud, Maryline Nicollet, Pierre-Hippolyte Penet (2017)
  • L’Est Républicain du 28 octobre 2010 [Article de Jean-Pierre Leloup]
  • Ligier Richier, Auguste Lepage - Académie des bibliophiles (1868)
  • « Les Richier et leurs œuvres », Abbé Souhaut (1883)
  • Ligier Richier, statuaire lorrain du XVIe siècle, Charles Cournault (1887)