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27/10/2022

Souilly pendant la guerre 1914-1918

La mairie de Souilly (façade Ouest en haut, Est en bas)


Modeste village de 561 habitants en 1911, Souilly est tourné vers l’agriculture et le commerce avec de nombreux artisans à la veille de la Grande Guerre. A partir de février 1916, Souilly devient rapidement un haut lieu diplomatique. La commune est située au cœur de la Voie Sacrée, route reliant Bar-le-Duc à Verdun, et permettant le ravitaillement vers le front. Elle était à la fois assez proche pour diriger la bataille et suffisamment éloignée pour y être en sécurité. 


Le Général Pétain installe son Quartier Général en février 1916 dans la mairie du village. Les généraux Nivelle, Guillaumat et Hirschauer lui succèdent. Le 21 septembre 1918, le Général Pershing commandant de la lère Armée Américaine y établit son QG afin de diriger l’offensive Meuse-Argonne.


Souilly devient rapidement une ville de garnison accueillant environ 10 000 personnes avec l’apparition de plusieurs infrastructures. Un hôpital ordinaire d’évacuation (HOE) de 1100 lits est inauguré en octobre 1916 ; il accueille blessés et malades avant d’organiser leur évacuation sanitaire. Un camp regroupe plus de 5 000 prisonniers allemands. Le terrain d’aviation peut recevoir jusqu’à 80 appareils. Des cimetières militaires sont également créés afin de permettre l’inhumation des soldats tombés au combat.

Le Quartier Général de la IIe Armée 

Le Quartier Genéral de la Ile Armée se compose d'un état-major et d'une DES (Direction des Étapes et des Services). Ils permettent d'organiser le front. A Verdun, le Général Pétain crée des secteurs, occupés et gérés par des corps d'armées. Chaque bureau a des fonctions particulières.
  • Le 1er Bureau veille aux effectifs et au  ravitaillement. Il gère également les prisonniers.
  • Le 2e Bureau est chargé de rassembler des renseignements sur l'ennemi, grâce à l'aviation, aux interrogatoires de prisonniers et aux écoutes téléphoniques.
  • Le 3e Bureau prépare et soumet des propositions au Général qui fait son choix. Il veille ensuite à l'exécution des ordres.
  • La DES exerce la direction d'ensemble de l'Artillerie, du Génie, du Service automobile, de la Télégraphie de 2e ligne, de l'Aéronautique, de l'Intendance, du Service de santé, du Service vétérinaire, de la Poste et du Trésor.


Une journée type au QG

8h00 : Lecture des comptes rendus


L’officier de service de nuit vient lire les comptes-rendus téléphonés par les différents Corps d’armée. Une fois approuvé par le Chef d’état major, il est téléphoné aux 3e bureaux intéressés et ces derniers donnent en échange un aperçu de la situation sur tout le front.  


9h00 : Réunion 


Les chefs des bureaux, les directeurs des services et les Généraux des Armées écoutent le Chef d’état-major lire la synthèse des pièces de courrier et des événements au front. Les officiers présents précisent les grandes lignes du travail accompli depuis la veille dans leur département. Le Chef d’état-major développe la pensée du Commandant de l’Armée. 


10h00 : Dépouillement du courrier 


Le Chef d’état major et son Sous-chef choisissent les pièces importantes pouvant intéresser le Général commandant l’Armée. Les autres sont expédiées aussitôt aux divers bureaux. 


11h00 : Décisions du général commandant l’Armée


Le Chef d’état-major passe chez le général, commandant l’Armée, fait ses remarques et provoque pour chacune une décision. Une fois revenu, il étudie avec son Sous-chef les détails d’exécution des affaires importantes, puis les pièces sont portées aux divers chefs de bureaux qui doivent les traduire en ordres ou instructions.


13h00 : Déjeuner 


15h00-18h00


Visites : Le Commandant de l’Armée visite des généraux, des troupes, des secteurs, des hôpitaux, des installations.


Préparation des attaques : Le Chef et le Sous-Chef de l’état-major retournent à leur bureau et étudient les questions soulevées par la future grande attaque dont l’Armée est chargée. 


Reconnaissance du terrain : certains jours, le Chef et le Sous-chef de l’état-major vont faire la reconnaissance personnelle du front ou d’un organe de la zone arrière de l’Armée.


18h00 : Courrier 


Réception des courriers provenant des Corps d’armée et tri pour ne communiquer au Général que les pièces qui doivent retenir son attention.


20h00 : Dîner 


22h00 : Lecture des comptes-rendus et bilan


Les comptes rendus des Corps d’armée et des officiers envoyés en liaison sont entendus ; s’ils ont remarqué des choses intéressantes, on les fait passer chez le Général. Bilan de l’activité aérienne par le commandant de l’aéronautique de l’armée qui reçoit ses instructions pour le lendemain. 


 

Les généraux 

Philippe PÉTAIN (1856-1951) : Commandant de la Ile Armée du 21 juin 1915 au 1er mai 1916.

©️Wikimedia/National Archives and Records Administration 

Robert-Georges NIVELLE (1856-1924) : Commandant de la Ile Armée du 1er mai au15 décembre 1916.

©️La contemporaine

Louis-Adolphe GUILLAUMAT (1863-1940) : Commandant de la Ile Armée du 15 décembre 1916 au 11 décembre 1917.

©️ Gallica/Bnf

Auguste Edouard HIRSCHAUER (1857-1943) : Commandant de la Ile Armée à partir du 11 décembre 1917.

©️Wikimedia Commons/Agence de presse Meurisse

John Joseph PERSHING (1860-1948) : Commandant de la 1ère Armée des Etats-Unis.

©️Wikimedia Commons

Le terrain d’aviation de Souilly


Au début de l'ottensive à Verdun, l'aviation allemande est nettement supérieure : elle aligne 270 avions contre 4 escadrilles françaises, soit environ une cinquantaine d'appareils. Lorsque Pétain établit son Quartier Général à Souilly, le commandement de l'Aéronautique de la lIe Armée y est également transféré. Le Général fait de ce que l'on commence à qualifier de «maîtrise de l'air» l'une de ses priorités. D'autres escadrilles, essentiellement de chasse, rejoignent rapidement la Meuse. Plusieurs villages servent alors de terrains à l'aviation.
Une escadrille est une unité aéronautique spécialisée en observation, bombardement ou chasse. Les avions qui la composent sont adaptés à cette spécialité. De nombreuses escadrilles stationnent à Souilly de 1916 jusqu'à la fin de la guerre. De brillants aviateurs passent ainsi dans le village, notamment des « as » qui comptabilisent plus de 5 victoires aériennes.


Les escadrilles 

Une escadrille est une unité aéronautique composée d'un personnel naviguant (pilotes, observateurs, mitrailleurs) et d'un personnel au sol (mécaniciens, conducteurs). Chaque escadrille se choisit un insigne, à l'iconographie très symbolique, pour se distinguer dans les airs. La catégorie d'avions qui la constitue en majeure partie détermine sa dénomination : les escadrilles composées essentiellement d'avions Nieuport portent ainsi la lettre N devant leur numéro. Ces avions sont employés pour une spécialité précise (observation, bombardement ou chasse) selon leur poids, leur armement et leur capacité d'équipage. Malgré la spécialisation de chaque escadrille, leurs affectations et leurs zones d'action, voire leurs misssions, peuvent varier selon les besoins. 

Les escadrilles stationnées à Souilly sont essentiellement des escadrilles de chasse, dotées d'avions monoplaces, Nieuport ou Spad. Certaines de ces escadrilles, réunies sous un seul commandement, forment un Groupe de Combat possédant son propre état-major.
Les Groupes de Combat sont créés en octobre 1916 afin de remplir des missions très polyvalentes :
        • Combat offensif contre les avions ennemis
        • Destruction de Drachen (ballons d'observation allemands)
        • Attaque des troupes au sol à la mitrailleuse ou à la bombe
        • Reconnaissance et liaison
        • Protection des autres escadrilles.
Quelques escadrilles qui ne sont pas dévolues à la chasse, mais uniquement à l'observation et au bombardement, occupent également le terrain de Souilly, avec leurs avions Farman et Breguet.

Les camps de prisonniers de Souilly


Pour les Allemands faits prisonniers sur le champ de bataille de Verdun, Souilly est un lieu de passage inévitable, quelque soit l'issue de leur captivité. En effet, après avoir été capturés sur le front, les prisonniers allemands sont amenés au parc de prisonniers de l'Armée, à Souilly. Ils y effectuent une visite médicale. sont triés, interrogés, et leur argent changé par des cartons frappés d'une valeur en francs.
Les officiers sont envoyés dans un dépôt spécifique, les malades à l'hôpital de Benoite-Vaux et les blessés à celui de Revigny. Tous les autres prisonniers sont mis en quarantaine pour une durée minimum de quinze jours dans un camp d'isolement à proximité. Jusqu'à 5000 prisonniers se sont trouvés dans ce camp après la reprise du fort de Douaumont par les Français le 24 octobre 1916. Enfin, ils sont évacués (essentiellement par voie ferrée) vers la zone intérieure, ou restent dans la zone des armées, dans des compagnies de travailleurs effectuant des taches pour le compte de l'Armée.
On peut estimer que trois camps différents se trouvent à Souilly pendant la bataille de Verdun : 
  • le parc de prisonniers de l'armée, 
  • le camp d'isolement, 
  • une compagnie de travailleurs. 
Concernant les conditions de détention dans ces camps, il est certain qu'elles ne respectent pas les conventions internationales pourtant signées par la France avant la guerre, telles que la Convention de La Haye de 1907 exigeant que les prisonniers de guerre soient « traités avec humanité ».
Sous prétexte de « réciprocité » (la France se justifie de ne pas respecter les conventions car les Allemands ne le font pas eux-mêmes), les conditions de détention des prisonniers allemands sont en réalité extrêmement dégradantes, Souilly étant qualifié de « camp de représailles » pour l'armée du Kronprinz.



L’Hôpital d’évacuation de Souilly

L'évacuation des blessés du front est organisée en une véritable chaîne composée de 5 étapes :
  1. Relèvement du blessé sur le champ de bataille par brancard ;
  2. Arrivée au poste de secours ;
  3. Prise en charge par les ambulances ;
  4. Hôpital ordinaire d'évacuation (HOE) ;
  5. Hôpital secondaire ou spécialisé.
Un HOE est une formation sanitaire qui recueille et soigne les blessés et les malades. Le tri des patients à l'entrée est primordial. Il permet d'évacuer les blessés vers d'autres formations sanitaires mieux adaptées ou bien de procéder directement à l'hospitalisation s'ils sont intransportables à cause de leur état ou d'une maladie contagieuse. 

Dès 1915, le projet d'un hôpital d'évacuation primitif est envisagé à Souilly, projet qui ne sera pas abouti entièrement. Néanmoins lors de la construction de la ligne de chemin de fer 6bis passant à Souilly, le plan d'édification d'un nouvel HOE est repris. Le centre hospitalier est situé à 1 km à l'ouest de la commune, en bordure du quai de la ligne 6bis. L'HOE de Souilly est rattaché au 15° Corps d'armée, décision prise par la direction du Service de santé de l'armée. Inachevé, il est inauguré le 24 octobre 1916. À cette date, l'hôpital dispose de 600 lits destinés aux évacuations et de 500 lits pour les hospitalisations.

Initialement l'hôpital devait accueillir uniquement des blessés couchés et les blessés graves. Du fait d'un nombre élevé de soldats à évacuer, des blessés assis, mais également ceux avec des blessures moins importantes sont accueillis à Souilly. Cet hôpital reste en activité jusqu'au 26 août 1918.

Chaque HOE est construit sur un même modèle afin de faciliter la prise en charge des patients. D'après la convention de Genève, ratifiée en 1864, le personnel des hôpitaux militaires est dans l'obligation de soigner l'ensemble des patients sans distinction de nationalité.



Le musée de la Voie Sacrée

À l’occasion du centenaire de la bataille de Verdun, la commune de Souilly a inauguré le 22 avril 2016 le Musée de la Voie Sacrée, une exposition permanente de 160 m2. A travers des films d’époque, des photographies, des objets et des animations, le visiteur peut découvrir le rôle joué par Souilly durant la guerre 1914-1918.


Exposition réalisée grâce au financement du Consell départemental de la Meuse et du Gip objectif Meuse
pour la scenographie ; de la Maire de Souilly et de la Codecom Meuse Voie Sacrée pour les travaux sur le
bâtiment. 
Comité scientifique sous la direction de Véronique HAREL - Mission Histoire
Commissaires scientitiques:
Perrine VIGNOLLE - Mission Histoire / Mairie de Souilly
Matthieu MAUCHAMP - Mission Histoire
Marion DURAND-VIEL - Mission Histoire
Scénographie : Martin MICHEL

Le camion LATIL

A l'instar des Marius BERLIET, Louis RENAULT ou Armand PEUGEOT, Georges LATIL fait partie de ces pionniers français de l'industrie automobile naissante en ce début de XXe siècle.

Les concours militaires vont permettre à LATIL de se faire remarquer à partir de 1913, avec un camion d'un concept nouveau, le TAR, qui dispose de 4 roues motrices et directrices. Ses qualités de franchissement, même dans la boue, son excellent rendement en poids transporté font du TAR un remarquable tracteur de canons qui s'illustra pendant la guerre dans toutes les grandes batailles, en mettant en œuvre la composante d'artillerie. Georges LATIL a construit, à la même époque, plusieurs autres modèles de tracteurs à 4 roues motrices: les tracteurs porteurs, dits TP.

Le Latil TP

C'est un TP de 35 cv qui est exposé dans un local accolé à la mairie historique de Souilly. Il pouvait déplacer 10 tonnes de charge utile : 4 tonnes sur le camion et 6 tonnes  sur une remorque tractée. Contemporain du TAR, le TP est identique d'apparence, avec son capot «crocodile». Ses différences sont situées au niveau des roues : les bandages ne sont plus jumelés, seules les roues avant sont directrices et les 4 roues de même dimension n'ont plus que 5 rayons, toujours en acier moulé. Bien moins lourd que le TAR, c'est un porteur ou un tracteur porteur très polyvalent particulièrement adapté aux transports lourds, qui permet un rendement journalier élevé et à un moindre coût. Il servira fructueusement à tracter les canons lourds durant la guerre, ainsi que le charbon et les matières premières agricoles ultérieurement dans la vie civile.


Sources photos d’archives :

Collection « La contemporaine »
L’Argonnaute, bibliothèque numérique de La contemporaine

Source textes
  • Textes de l’exposition du musée de la Voie Sacrée
  • Dossier de presse : Souilly - Quartier Général de la IIe Armée