04/02/2023

Les deux grands pressoirs meusiens

Au Moyen Âge, les pressoirs, tout comme les moulins et les fours coûtaient très cher. Ils étaient la propriété des seigneurs (qui les mettaient à disposition des vignerons) ou des abbayes. Aujourd’hui, dans le département de la Meuse subsistent deux de ces pressoirs aux dimensions impressionnantes : l’un se trouve à Beaulieu-en-Argonne et le second à Bar-le-Duc. Ils sont les témoins d’une activité viticole passée  très importante. 

Jusqu'à l'arrivée du phylloxéra et du mildiou à la fin du XIXe siècle, les machines à pressurer comme on les appelle également, sont présentes sur tout le territoire. Si elles ne sont pas indispensables à la production du vin, elles facilitent le pressurage et permettent de traiter de grandes quantités de raisin en évitant les pertes.

Le pressoir de Combles à Bar-le-Duc

Le pressoir seigneurial de Combles-en-Barrois 

Caché au fond de la cour du 75 rue des Ducs-de-Bar (à Bar-le-Duc), un pressoir d’une taille impressionnante apparaît : c'est l'ancien pressoir à arbre de Combles-en-Barrois. Il fut acquis en 1970 par l’Office de Tourisme de Bar-le-Duc (Syndicat d’Initiative à l’époque) et réinstallé en 1977 dans la ville haute, dans une ancienne grange typique des maisons du XVIe siècle. 

L’immeuble situé au 75 rue des Ducs-de-Bar où se trouve la grange abritant le pressoir

Les pressoirs sont construits en chêne hormis la vis, qui est en bois à grain fin (charme, orme, cormier). Les pièces métalliques présentes ne sont en général que des éléments de renfort placés à la suite d'une cassure ou d'une fissure.

Schéma représentant le pressoir de Combles

Le pressoir de Combles est composé d'un arbre mobile (1), le plus souvent résultat d'un assemblage de poutres ceinturées par des poupées (2), supporté par deux portiques, les jumelles (3) et fausses jumelles (4). Cet arbre muni d'un contrepoids est actionné à l'aide de la vis située à son extrémité (5). Le « pain » est tout d'abord constitué : le raisin est étalé en plusieurs lits sur la maie (6), chaque lit étant tapissé de paille. Le pain est recouvert de nattes puis de madriers. L'arbre est relevé afin de dégager l'aiguille (7).
Ainsi libéré de ses supports, l'arbre pèse sur le pain. La manœuvre de la vis placée à son extrémité accentue la pression : le jus de raisin s'écoule dans une cuve de pierre munie d'un panier à claire-voie en osier destiné à retenir les parties ligneuses des grappes. 



Après 12 à 20 heures de pressurage, selon la maturité du raisin, l'effort de presse est augmenté en glissant une ou deux traverses dans les mortaises (8) des jumelles. Une fois l'arbre relevé, l'aiguille est replacée et le pain enlevé. Ce dernier peut être distillé pour obtenir le marc.





L'opération de pressurage pouvait durer de 12 à 20 heures. Il produisait de 20 à 25 pièces de vin soit 4400 à 5500 litres de moût. Pour la petite histoire, le "pineau de Bar" était exporté jusqu'en Hollande. On racontait que la troisième pression était la meilleure ! Cette activité intense a été stoppée au XIXème par le phylloxéra qui a ravagé toutes les vignes situées sur l'actuelle Côte Sainte-Catherine.

Si un pressoir communal est mentionné à Combles-en-Barrois dès le XVe siècle, ce pressoir ne semble cependant pas antérieur au XVIIe siècle. Mais en l'absence d'inscription et de décor, seule une étude dendrochronologique, grâce aux cernes de l’arbre, en donnerait une datation fiable.

Ce pressoir qui appartient à la commune a été inscrit au titre des Monuments Historiques le 14 juin 1988.

Le pressoir de l’ancienne abbaye de Beaulieu-en-Argonne

Au temps de l'abbaye de Beaulieu (déduite durant la Révolution), la vigne était cultivée par les moines, qui utilisaient deux cépages : le pinot et le vert plant. Le vignoble occupait 16 hectares sur le versant sud du village. Il a presque entièrement disparu à la fin du XIXe siècle notamment à la suite d'une épidémie de phylloxéra. Au cadastre, trois cantons portent des noms de vignes les hautes, basses et blanches vignes. Les parcelles qui subsistaient ont pour la plupart, été abandonnées pendant la Première Guerre mondiale, faute d'hommes pour les travailler. Des prés, des vergers et des bois remplacent désormais la vigne. On a planté, dans les années 1960, une variété qui se nomme Bacco, plus résistante aux maladies, qui a finalement été abandonnée dans les années 1980 (les parcelles privées ayant été délaissées par leurs héritiers).

Bâtiment communal abritant le pressoir de Beaulieu-en-Argonne


Le pressoir de Beaulieu-en-Argonne pèse une trentaine de tonnes

Le pressoir à arbre (ou à levier) de Beaulieu-en-Argonne



Vestige de l'abbaye, le pressoir de Beaulieu est un pressoir à arbre conçu sur le principe millénaire du levier. Essentiellement fabriqué en chêne, il pèse 30 tonnes, et l’arbre supérieur mesure à lui seul 11 m de long, ce qui fait de lui le 2e plus grand pressoir de ce type en Europe (le plus grand se trouve en Allemagne). Il permettait de presser en une seule cuvée environ 5 000 litres de vin. Il n'est pas daté avec précision mais pourrait avoir été utilisé dès la fin du Moyen Âge. On sait que la vis en bois de charme a été changée en 1711 et que le pressoir a fonctionné jusqu'en 1900.

Installé dans les communs de l'ancienne abbaye, le pressoir a été sauvé de la destruction grâce à l'intervention de la femme de Raymond Poincaré, lors de leur venue en Argonne, pour l'inauguration du monument aux morts de la commune le 13 septembre 1925. Il a été classé au titre des Monuments Historiques le 15 mars 1926.

Sur un mur du bâtiment communal qui abrite le pressoir, on peut admirer une fresque représentant Beaulieu-en-Argonne en 1789, réalisée en 2003 par Jean-Luc Rostoucher.



L’heure de l’interro


Sources 

Panneaux pédagogiques 

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