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23/02/2023

Notre-Dame de l’Europe (Fleury-devant-Douaumont)

Au sortir de la Première Guerre mondiale, neuf communes meusiennes de la zone rouge du champ de bataille de Verdun sont déclarées « mortes pour la France » : Beaumont-en-Verdunois, Bezonvaux, Cumières-le-Mort-Homme, Douaumont, Fleury-devant-Douaumont, Haumont-près-Samogneux, Louvemont-Côte-du-Poivre, Ornes et Vaux-devant-Damloup. Les ravages sont tels qu’il est décidé de ne pas rebâtir ces villages. Toutefois, fait tout à fait unique, ces derniers conservent leur existence administrative à titre mémoriel. Témoins de la violence du conflit, neuf chapelles commémoratives sont édifiées entre 1930 et 1934 afin de perpétuer, outre les victimes de la guerre, le souvenir de chacun de ces villages disparus. Les titres de dommages de guerre ont permis le financement de ces constructions.

La chapelle Saint-Nicolas (Notre-Dame-de-l’Europe depuis 1979)


Extrait du Bulletin meusien du 1er septembre 1934 décrivant l’édifice le jour de son inauguration.


« D’un style inspiré du Roman XIIe siècle, le pieux édifice s'harmonise heureusement au paysage environnant. Il fail honneur à son architecte, M. Berthemy, à M. Comminge, qui forgea sa porte sur un dessin rappelant d'anciennes pierres tombales, au maître-verrier Gruber dont les vitraux baignent de suave lumière une émouvante « Mater Dolorosa » et deux paysages qui évoquent le Fleury d'avant-guerre el son martyre. Ces dernières décorations traitées en sgraffite, c'est-à-dire en peinture à fresques appliquée sur un dessin sculpté dans le mur, sont l'œuvre de M. et Mme Lantier, artistes sincères el qui ont le sens profond des belles compositions d'inspiration religieuse. »




L’extérieur


Le soubassement est en pierre de taille de Lérouville. Les façades sont constituées de moellons. Le portail est la partie la plus soignée de l’édifice : un arc en plein-cintre, deux colonnes avec leur chapiteau orné de feuilles de vignes que l’on retrouve également sur le tympan autour de la croix latine. Une croix de guerre domine l’édifice.





Le porche est surmonté d’une rosace en pierre de Savonnières. Le portail en fer forgé est dû à l’architecte Louis-Alfred Berthemy qui a dessiné les plans de l’édifice (l’un des co-créateurs du Monument à la Victoire de Verdun), on y voit d’ailleurs ses initiales  (en bas à gauche) ainsi que celles du ferronnier Comminge (en bas à droite). Y est représentée une sorte d’arbre de vie dont les branches supportent la Croix de Guerre, décernée au village martyr. Les dates du conflit mondial apparaissent en bas au centre du portail. Toutes les inscriptions ainsi que La Croix de guerre et les deux petites croix pattées alésées sont dorées.


L’intérieur


L’intérieur est composé d’une courte nef de forme carrée et d’un chœur semi-circulaire. Les six vitraux ont été réalisés par Jean-Jacques Gruber, maître-verrier des l’École de Nancy. 


Sur le mur Sud sont représentés, au centre saint Nicolas à qui était dédiée cette chapelle lors de sa construction, une fermière, fourche à la main en train de prier, et un fermier dans une posture de recueillement, tenant une faux d’une main et son chapeau de l’autre, une scène se déroulant probablement à la veille de son départ au front.


Sur le mur Nord, saint Hubert, patron des chasseurs, tient une arbalète ; à ses pieds se trouve un cerf portant un crucifix entre ses bois. De chaque côté, un soldat le regarde. Le premier porte le pantalon garance alors que le second est vêtu de l’uniforme bleu horizon. 


Enfin, la rosace qui surmonte l’entrée représente le voile de sainte Véronique.









Les peintures du chœur sont l’œuvre de Lucien Lantier. Dans la partie inférieure, un rideau parsemé de croix et d’étoiles se déploie derrière l’autel. Au-dessus, au niveau de la voûte en cul-de-four, une Vierge de Pitié est entourée de 2 anges priant. A droite, on reconnaît Fleury avant sa destruction ; à gauche sont représentés l’ossuaire de Douaumont à l’arrière-plan, la chapelle-abri et le monument aux morts au second plan, et quelques croix éparses au premier plan. 



©️ Le Bulletin meusien du 1er septembre 1934 • gallica.bnf.fr









Plaques commémoratives 










L’inauguration du 26 août 1934


Extrait du Journal du 27 août 1934


« L'inauguration de la chapelle élevée sur l'emplacement de Fleury, 26 août.


Sur l'ancien emplacement du village de Fleury-devant-Douaumont, entièrement pulvérisé, en 1916, par de terribles bombardements, devant lesquels ses 420 habitants ont dû fuir des lieux maintenant silencieux et désertiques, a eu lieu aujourd'hui, sous la présidence de M. Lecourtier, sénateur, l'inauguration d'une chapelle-abri.


©️Le Bulletin meusien du 1er septembre 1934 • gallica.bnf.fr


De nombreux anciens habitants de cette bourgade, dispersés dans tous les coins de la France, sont venus assister à cette pieuse cérémonie du souvenir. Un office religieux fut célébré par l'abbé Bonne, curé de Bras et de la zone rouge, à laquelle assistaient M. Lecourtier, sénateur ; Panau, maire de Verdun ; Gabriel Schleiter, adjoint ; Berthemy, architecte ; Hazard, conseiller d'arrondissement ; le chanoine Dion, vicaire général, remplaçant Mgr Ginisty ; les maires des communes avoisinantes. Après un discours de M. Body, maire de Fleury, une gerbe de fleurs fut déposée au monument aux morts. Un banquet amical fut servi ensuite. »


La chapelle a été consacrée en 1935 par Monseigneur Charles Ginisty, évêque de Verdun et récemment inscrite sur la liste des Monuments Historiques, le 15 décembre 2021.


Notre-Dame de l’Europe (16 septembre 1979)



Depuis 1979, Notre Dame de l'Europe scellée sur la façade de la chapelle appelle à la fraternité et à la paix, tous les hommes qui viennent en ce lieu s'incliner devant le sacrifice et la misère des deux adversaires de l'époque, aujourd'hui réconciliés.


Extrait du Républicain Lorrain (11 Septembre 1979)


« Notre-Dame de l’Europe - Elle sera inaugurée dimanche (16 septembre 1979) à Fleury-devant-Douaumont.


Mgr Boillon, évêque de Verdun, bénira dimanche en présence de M. Alain Poher, président du Sénat, la statue «Notre-Dame de l'Europe» à Fleury-devant-Douaumont. La statue, scellée sur la façade de la chapelle votive "de Fleury-Village, anéanti pendant les combats de la «grande guerre», est l'œuvre du sculpteur messin André Forfert. L'élégance un peu froide de la «Virgo Europae Patrona» (Vierge patronne de l'Europe) convient à l'austérité de l'endroit, une clairière dans le paysage encore défoncé qui environne Douaumont. Tous les ans, une messe y rassemble anciens combattants et personnalités françaises et allemandes. Les traits presque effacés, les yeux mi-clos, l'annonce d'un sourire confèrent à la Vierge d'André Forfert une grande douceur, une sérénité qui contrastent avec la pesante raideur de la cape, faite d'un drapeau européen qui l'enveloppe et dont le col largement rabattu lui sertit le visage. »



« Vous méditerez un instant devant Notre Dame de l'Europe enchâssée sur la façade de la chapelle de Fleury en 1979. Ici, au point convergent des déchirements et des souffrances, le visage pacifié de la Vierge émergeant de son manteau, comme le blessé émerge de la boue, comme la vie renaît de la mort et l'espoir du désespoir, est le symbole apaisant et volontaire de la réconciliation dans une construction fraternelle. »


Gérard CANINI




Sources et bibliographie 


03/05/2022

Le cimetière américain Meuse-Argonne (Romagne-sous-Montfaucon)

Le cimetière américain Meuse-Argonne se situe à l’est du village de Romagne-sous-Montfaucon à une quarantaine de km de Verdun.

C’est dans ce cimetière de 53 ha que repose le plus grand nombre de soldats américains morts en Europe (14246 au total). La plupart des soldats enterrés ici ont perdu la vie durant l’offensive Meuse-Argonne en 1918, la plus grande offensive américaine de la Première Guerre mondiale. Le large éventail de stèles se déploie en longues rangées au-delà d’un bassin central jusqu’à la chapelle qui couronne la crête.


Il y a une grande diversité entre les victimes inhumées au sein du cimetière : des artilleurs sur voie ferrée, des membres de l’expédition en Russie, des soldats afro-américains des 92e et 93e Divisions d’Infanterie, des femmes, des civils et des enfants. Neuf récipiendaires de la Médaille d’honneur sont enterrés ici, dont Freddie Stowers, un des deux afro-américains ayant reçu la Médaille d’honneur lors de la Première Guerre mondiale. Le mémorial comprend également un centre d’accueil présentant un film et une exposition originale expliquant l’importance de l’offensive Meuse-Argonne dans le contexte de la Première Guerre mondiale.



Entrée du cimetière côté Ouest
Inauguration du cimetière le 30 mai 1937, 20 ans après d’entrée en guerre des États-Unis 
en présence du général Pershing et du général Rivière, gouverneur général de Verdun,
du préfet et de plusieurs députés. 

 
Commémoration du centenaire de la libération de Romagne (2018)

Les deux entrées possèdent des portes monumentales surmontées d’un aigle. 

 

 



La zone des tombes sur le versant sud de la vallée est divisée en huit parcelles rectangulaires numérotées de A à H. Chaque parcelle est délimitée par des tilleuls.



Memorial Day


Medal of Honor, la plus haute distinction militaire aux Etats-Unis 

Chaque corps a sa propre stèle de marbre de Carrare blanc surmontée
d’une croix latine ou d’une étoile de David pour les sépultures israélites. 


La D123 traverse le site du cimetière et relie Romagne à Cunel

Le bassin central
Sur l’eau, flottent cinquante et un nénuphars représentant symboliquement les 50 Etats
de l’union et le district de Columbia, Washington. 

Le bassin central et au fond, l'entrée côté Ouest

Le centre des visiteurs 
Le grand bassin et le mémorial (au centre, la chapelle et sur les côtés les 2 loggias)

La conception de la chapelle est confiée à un architecte d'expérience, Louis Ayres, de la société York & Sawyer. Il donne à la chapelle son style « roman français qui est le genre de chose qui amènerait à penser que les Français l'ont eux même réalisé il y a très longtemps ». La chapelle est composée d'un bâtiment flanqué par deux loggias. Les arcades des loggias comprennent le Mur des Disparus recensant les noms des 954 soldats qui n'ont pas de sépulture identifiée. Une épitaphe stipule « Ici est leur mémorial, la terre entière leur sépulture. » L'ensemble est réalisé en pierre locale. L'inscription sur le fronton stipule que le monument est « dédié à la mémoire de ceux qui sont morts pour leur pays ». Sur le linteau au dessus de la porte majestueuse est écrit « Ils reposent dans un sommeil sacré». Le tympan prend la forme d'une arche romane avec deux figures en bas-reliefs représentant des allégories du Chagrin et du Souvenir. Ce style est caractéristique des monuments commémoratifs américains.


   
On aperçoit à gauche le Mur sur lequel sont gravés les noms des 954 Disparus

Les noms des 954 disparus sont gravés sur des panneaux dans les 2 loggias flanquant le mémorial 

Le linteau de la chapelle porte ces mots: « Ils reposent dans
un sommeil sacré ». Un bas-relief sur le tympan du portail représente
des allégories de la Douleur et du Souvenir. 

 
  


Des bannières américaines et alliées sont disposées autour de l'autel et sous la Croix. Le grand sceau des États-Unis d’Amérique (great seal of the United States of America) comporte un pygargue à tête blanche aux ailes déployées (symbole de souveraineté) tenant un rameau d'olivier dans une serre et treize flèches dans l'autre, l'ensemble symbolisant la paix ainsi que la défense par la guerre. L'oiseau est surmonté par treize étoiles rappelant les treize États originaux. Le pygargue a la tête tournée vers le rameau d’olivier, à sa droite, pour symboliser une préférence pour la paix.1 La bannière E Pluribus Unum (littéralement « De plusieurs, un ») rappelle la réunion des 13 États à l'origine des États-Unis. Les 13 colonies d'origine sont aussi rappelés par les 13 rayures du blason, les 13 flèches, les 13 feuilles et 13 olives du rameau d'olivier ainsi que par la phrase "E Pluribus Unum" qui contient 13 lettres.

La chapelle est ouverte tous les jours (sauf le 25/12 et le 01/01) de 9h à 16h45 Le centre des visiteurs est ouvert tous les jours (sauf le 25/12 et le 01/01) de 9h à 17h. Descente des couleurs tous les jours à 16h30

 



Les deux verrières ont été réalisées en 1920-1930 par Heinigke et Smith, peintres verriers à New-York. Elles représentent, en médaillons, les insignes des divisions et unités américaines affectées dans les American Expeditionary Forces (AEF) qui ont été engagées dans le conflit. Pendant 47 jours de combat, du 26 septembre au 11 novembre 1918, la Première Armée américaine imposa une retraite générale sur ce front. Le monument a été érigé par la Commission des monuments de guerre américains, une agence gouvernementale des Etats-Unis d'Amérique qui en assure également l'entretien. La libre disposition du terrain fut concédée, à perpétuité, par le peuple français.



Le vitrail ci-dessous situé dans la chapelle du cimetière militaire américain Meuse-Argonne représente l'insigne de la 82e Division d’Infanterie (82nd Infantry Division) constituée en août 1917 à Camp Gordon en Géorgie, avec des hommes provenant de tous les États des États-Unis, d’où le surnom « All-Americans ». Elle entre en campagne en France en 1918 où elle enregistre 1 298 tués au combat. Elle est dissoute après-guerre. L'unité sera reconstituée en 1942 sous la dénomination de 82e Division aéroportée (82nd Airborne Division) qui participera notamment à la Bataille de Normandie.

Insigne de la 82e Division

 
Insigne de la 93e Division


La carte de l'offensive Meuse-Argonne

De chaque côté de la porte, des panneaux en bronze figurent des animaux. La Chouette représente la vérité et la sagesse, elle porte l'esprit de ceux qui viennent de mourir. L'Ecureuil symbolise la foi et la vigilance. L'Aigle, Pygargue à tête blanche, bald eagle, est le symbole officiel des Etats-Unis, il représente la Liberté et la Puissance. Le Chien est un symbole universel de Loyauté et de Courage au combat.





L’American Battle Monuments Commission est une agence du gouvernement des États-Unis qui exploite et entretient 26 cimetières américains et 30 mémoriaux et monuments 17 pays. La Commission s'efforce de réaliser la vision de son premier président, le général des armées John J. Pershing. Pershing, commandant des forces expéditionnaires américaines pendant la Première Guerre mondiale, a promis que "le temps ne ternira pas la gloire de leurs actes".





Sources : 
Circuit vitrail en Argonne