08/05/2022

L’explosion du 8 mai 1916 au fort de Douaumont

Les circonstances exactes de l’explosion qui coûta la vie à plusieurs centaines de soldats allemands qui occupaient le fort de Douaumont ce 8 mai 1916 restent encore aujourd’hui assez floues. L’un des témoignages les plus précieux nous provient du « Rapport sur la catastrophe de l'explosion au Fort de Douaumont » rédigé par le médecin-major allemand, le docteur Benno Hallauer.


Dans la semaine précédant le 8 mai, le docteur Hallauer est déjà dans la forteresse. Les Brandebourgeois doivent constamment se protéger des bombardements de l'artillerie française. Le rapport de Hallauer, indique que le 7 mai, un gros obus au chlore gazeux a pénétré dans un puits d'aération du fort. Le gaz se répand dans les couloirs du sous-sol, faisant de nombreux blessés. Hallauer organise les soins aux blessés, fait rapidement venir des bouteilles d'oxygène et se précipite pour rouvrir le conduit d'aération pour faire entrer de l'air frais. 


Vers 4h30 du matin le 8, alors qu'Hallauer pense en avoir enfin terminé avec son organisation de secours aux victimes du chlore gazeux et ses opérations d'urgence, il entend des cris de panique dans les couloirs. Hallauer entend alors des appels à l'aide et le cri terrifiant "Les Noirs arrivent!". Il court vers le dortoir pour réveiller les hommes quand il entend 3 terribles explosions. Hallauer entend la forteresse et ses voûtes grincer et trembler. Il ressent un redoutable souffle d'air qui secoue les salles et les couloirs de la forteresse. L'onde de choc projette toutes les personnes présentes dans le fort contre les murs avec force. Ces explosions sont beaucoup plus fortes que les impacts des coups directs d'artillerie normaux. 


Galerie menant à la nécropole allemande où les corps de 679 soldats allemands
sont toujours enfouis.


Alors qu'il retourne dans le couloir, un épais nuage de fumée et de vapeur de soufre le frappe, et il entend des gémissement terribles. Immédiatement, Hallauer ordonne de mettre les masques à gaz et de faire rapidement fonctionner les ventilateurs. Le bloc opératoire est entièrement rempli de fumée jaune. Parce que les couloirs sont pleins de fumée, l'orientation est devenue impossible. Alors que Hallauer continue de chercher les blessés dans les couloirs de la forteresse, il remarque que les gémissements s'éteignent progressivement. Alors qu’il fait transporter les blessés, l'air se remplit soudainement d'un brouillard de gaz dense, appuyant fortement sur les poumons. Malgré l'apport supplémentaire d'air frais, le gaz affecte de plus en plus la qualité de l'air. Les masques à gaz fonctionnent encore mal.



A LA MÉMOIRE DE 679 SOLDATS ALLEMANDS[...] QUI FURENT TUÉS 

EN CE LIEU - LE 8 MAI 1916 DANS L'EXPLOSION D'UN DÉPÔT DE 

MUNITIONS, LE FEU INCESSANT DE L'ARTILLERIE  FIT QU'ON NE PUT 

LES INHUMER TOUS HORS DU FORT. 

C'EST ICI QUE REPOSENT LA PLUPART D'ENTRE EUX.

 

Lorsque Hallauer est de retour à la table d'opération un instant plus tard pour aider les blessés, il devient lui aussi étourdi. Deux sous-officiers l'emportent par un puits d'aération et il finit par reprendre connaissance. Immédiatement après, Hallauer retourne dans la forteresse, où il voit plusieurs centaines de jeunes recrues flâner apathiquement. Les recrues, arrivées la nuit dernière traînent sous le choc au milieu d'innombrables morts, blessés, "étourdis, et certains dérangés mentalement". Les couloirs sont pleins de décombres et de morts : « Les bras, les jambes et les troncs gisaient entre le matériel de guerre détruit ». La pression des explosions a, par endroits, chassé les cadavres, "comme un canon de fusil", dans les couloirs et empilés les uns sur les autres en quatre couches le long des murs. Dans un certain nombre de dortoirs, Hallauer trouve encore des survivants somnolents. Lors de l'extraction des blessés des décombres, plusieurs médecins et infirmières sont également intoxiqués par le gaz et 9 porteurs et un médecin sont tués. Peu de temps après les explosions, le chef de la compagnie envoie des hommes pour aider le médecin à soigner les blessés, dégager les cadavres et les décombres, et à continuer à défendre la forteresse. Ces hommes parviennent tout de même à sauver 120 blessés par respiration artificielle ou en les emmenant à l'air libre.





Conclusions de Hallauer sur la cause


Deux jours après l'explosion, Hallauer conclut dans son rapport que la cause de la série d'explosions est due aux soldats, qui ont probablement secrètement utilisé de l'huile de lance-flammes pour faire bouillir leurs marmites. Ils l'ont fait dans un couloir où s'entassaient des centaines d'obus français de 155 et de mines de gaz allemandes. Selon Hallauer, il est très probable qu'un de ces appareils de cuisson ait pris feu, accompagné d'une grande quantité de fumée et de suie. Vraisemblablement, quelques soldats ont été immédiatement brûlés. De nombreux hommes ont eu de la suie sur le visage en conséquence. Ces visages pleins de suie ont de nouveau semé la panique chez les autres soldats : "Les noirs arrivent !".

Ces soldats apeurés, surtout des jeunes recrues, pensaient être pris en embuscade par les troupes coloniales françaises, réputées cruelles. Ces soldats, dans leur panique, ont commencé à lancer des grenades à main au hasard, qui ont ensuite fait exploser les grenades françaises déjà présentes et les mines de gaz allemandes, déclenchant une réaction en chaîne d'explosions.

Parce que la panique avait déjà eu lieu avant les trois grosses explosions, certaines personnes présentes dans le fort envisageaient encore que l'explosion provenait d'une grande mine souterraine française. Mais deux jours plus tard, Hallauer met en doute de cette version dans son rapport, car normalement l'explosion d'une mine aurait dû être suivie d'une "attaque-tempête" par les Français. 

 

Hallauer estime dans son rapport que 700 à 800 ont été tués, dont un grand nombre d'officiers. Le médecin n'ose pas donner un chiffre plus précis, car selon lui il ne sera plus jamais possible de le déterminer à cause des énormes effondrements. Il rapporte que la principale cause de décès est la pression atmosphérique, qui a tué la plupart des hommes immédiatement. Certains ont été projetés à nouveau sous la pression, et d'autres, qui se trouvaient à proximité de l'explosion, ont été tués par la chute de débris et d'éclats d'obus. Des soldats ont également été brûlés par de l'huile de lance-flammes. De nombreux soldats ont étouffé à cause d'un empoisonnement par la fumée ou de l'inhalation du gaz toxiques que Hallauer ne peut pas identifier malgré les autopsies réalisées. Un officier, qui menaçait de suffoquer à cause des gaz, s'est tiré une balle dans la tête avec un revolver.


Sculpture en bronze du père Franz-Josef Ludwig "Der Abschied - Les Adieux" offerte
par la ville de Rheinbach à l'occasion des 50 ans du Traité de l'Élysée (1963-2013).
 L’artiste dédie cette œuvre aux familles de toutes les nations ayant partagé un destin
tragique lors des guerres du XXe siècle.
 
Il est à noter que le docteur Hallauer était de confession juive. Malgré son dévouement pour sauver des dizaines de vies de ses compatriotes ce jour-là, il disparaitra à Auschwitz en 1943.  

03/05/2022

Le cimetière américain Meuse-Argonne (Romagne-sous-Montfaucon)

Le cimetière américain Meuse-Argonne se situe à l’est du village de Romagne-sous-Montfaucon à une quarantaine de km de Verdun.

C’est dans ce cimetière de 53 ha que repose le plus grand nombre de soldats américains morts en Europe (14246 au total). La plupart des soldats enterrés ici ont perdu la vie durant l’offensive Meuse-Argonne en 1918, la plus grande offensive américaine de la Première Guerre mondiale. Le large éventail de stèles se déploie en longues rangées au-delà d’un bassin central jusqu’à la chapelle qui couronne la crête.


Il y a une grande diversité entre les victimes inhumées au sein du cimetière : des artilleurs sur voie ferrée, des membres de l’expédition en Russie, des soldats afro-américains des 92e et 93e Divisions d’Infanterie, des femmes, des civils et des enfants. Neuf récipiendaires de la Médaille d’honneur sont enterrés ici, dont Freddie Stowers, un des deux afro-américains ayant reçu la Médaille d’honneur lors de la Première Guerre mondiale. Le mémorial comprend également un centre d’accueil présentant un film et une exposition originale expliquant l’importance de l’offensive Meuse-Argonne dans le contexte de la Première Guerre mondiale.



Entrée du cimetière côté Ouest
Inauguration du cimetière le 30 mai 1937, 20 ans après d’entrée en guerre des États-Unis 
en présence du général Pershing et du général Rivière, gouverneur général de Verdun,
du préfet et de plusieurs députés. 

 
Commémoration du centenaire de la libération de Romagne (2018)

Les deux entrées possèdent des portes monumentales surmontées d’un aigle. 

 

 



La zone des tombes sur le versant sud de la vallée est divisée en huit parcelles rectangulaires numérotées de A à H. Chaque parcelle est délimitée par des tilleuls.



Memorial Day


Medal of Honor, la plus haute distinction militaire aux Etats-Unis 

Chaque corps a sa propre stèle de marbre de Carrare blanc surmontée
d’une croix latine ou d’une étoile de David pour les sépultures israélites. 


La D123 traverse le site du cimetière et relie Romagne à Cunel

Le bassin central
Sur l’eau, flottent cinquante et un nénuphars représentant symboliquement les 50 Etats
de l’union et le district de Columbia, Washington. 

Le bassin central et au fond, l'entrée côté Ouest

Le centre des visiteurs 
Le grand bassin et le mémorial (au centre, la chapelle et sur les côtés les 2 loggias)

La conception de la chapelle est confiée à un architecte d'expérience, Louis Ayres, de la société York & Sawyer. Il donne à la chapelle son style « roman français qui est le genre de chose qui amènerait à penser que les Français l'ont eux même réalisé il y a très longtemps ». La chapelle est composée d'un bâtiment flanqué par deux loggias. Les arcades des loggias comprennent le Mur des Disparus recensant les noms des 954 soldats qui n'ont pas de sépulture identifiée. Une épitaphe stipule « Ici est leur mémorial, la terre entière leur sépulture. » L'ensemble est réalisé en pierre locale. L'inscription sur le fronton stipule que le monument est « dédié à la mémoire de ceux qui sont morts pour leur pays ». Sur le linteau au dessus de la porte majestueuse est écrit « Ils reposent dans un sommeil sacré». Le tympan prend la forme d'une arche romane avec deux figures en bas-reliefs représentant des allégories du Chagrin et du Souvenir. Ce style est caractéristique des monuments commémoratifs américains.


   
On aperçoit à gauche le Mur sur lequel sont gravés les noms des 954 Disparus

Les noms des 954 disparus sont gravés sur des panneaux dans les 2 loggias flanquant le mémorial 

Le linteau de la chapelle porte ces mots: « Ils reposent dans
un sommeil sacré ». Un bas-relief sur le tympan du portail représente
des allégories de la Douleur et du Souvenir. 

 
  


Des bannières américaines et alliées sont disposées autour de l'autel et sous la Croix. Le grand sceau des États-Unis d’Amérique (great seal of the United States of America) comporte un pygargue à tête blanche aux ailes déployées (symbole de souveraineté) tenant un rameau d'olivier dans une serre et treize flèches dans l'autre, l'ensemble symbolisant la paix ainsi que la défense par la guerre. L'oiseau est surmonté par treize étoiles rappelant les treize États originaux. Le pygargue a la tête tournée vers le rameau d’olivier, à sa droite, pour symboliser une préférence pour la paix.1 La bannière E Pluribus Unum (littéralement « De plusieurs, un ») rappelle la réunion des 13 États à l'origine des États-Unis. Les 13 colonies d'origine sont aussi rappelés par les 13 rayures du blason, les 13 flèches, les 13 feuilles et 13 olives du rameau d'olivier ainsi que par la phrase "E Pluribus Unum" qui contient 13 lettres.

La chapelle est ouverte tous les jours (sauf le 25/12 et le 01/01) de 9h à 16h45 Le centre des visiteurs est ouvert tous les jours (sauf le 25/12 et le 01/01) de 9h à 17h. Descente des couleurs tous les jours à 16h30

 



Les deux verrières ont été réalisées en 1920-1930 par Heinigke et Smith, peintres verriers à New-York. Elles représentent, en médaillons, les insignes des divisions et unités américaines affectées dans les American Expeditionary Forces (AEF) qui ont été engagées dans le conflit. Pendant 47 jours de combat, du 26 septembre au 11 novembre 1918, la Première Armée américaine imposa une retraite générale sur ce front. Le monument a été érigé par la Commission des monuments de guerre américains, une agence gouvernementale des Etats-Unis d'Amérique qui en assure également l'entretien. La libre disposition du terrain fut concédée, à perpétuité, par le peuple français.



Le vitrail ci-dessous situé dans la chapelle du cimetière militaire américain Meuse-Argonne représente l'insigne de la 82e Division d’Infanterie (82nd Infantry Division) constituée en août 1917 à Camp Gordon en Géorgie, avec des hommes provenant de tous les États des États-Unis, d’où le surnom « All-Americans ». Elle entre en campagne en France en 1918 où elle enregistre 1 298 tués au combat. Elle est dissoute après-guerre. L'unité sera reconstituée en 1942 sous la dénomination de 82e Division aéroportée (82nd Airborne Division) qui participera notamment à la Bataille de Normandie.

Insigne de la 82e Division

 
Insigne de la 93e Division


La carte de l'offensive Meuse-Argonne

De chaque côté de la porte, des panneaux en bronze figurent des animaux. La Chouette représente la vérité et la sagesse, elle porte l'esprit de ceux qui viennent de mourir. L'Ecureuil symbolise la foi et la vigilance. L'Aigle, Pygargue à tête blanche, bald eagle, est le symbole officiel des Etats-Unis, il représente la Liberté et la Puissance. Le Chien est un symbole universel de Loyauté et de Courage au combat.





L’American Battle Monuments Commission est une agence du gouvernement des États-Unis qui exploite et entretient 26 cimetières américains et 30 mémoriaux et monuments 17 pays. La Commission s'efforce de réaliser la vision de son premier président, le général des armées John J. Pershing. Pershing, commandant des forces expéditionnaires américaines pendant la Première Guerre mondiale, a promis que "le temps ne ternira pas la gloire de leurs actes".





Sources : 
Circuit vitrail en Argonne