27/02/2023

Eglise Saint-Rémi (Chaillon)

L’église actuelle dédiée à Saint-Rémi remplace un édifice qui se trouvait à l’entrée du village. Le clocher sera détruit au cours d’une tempête le 8 septembre 1905. Après la guerre 1914-1918, il ne restera que les murs de la nef, la base des piliers et les 3 niveaux du clocher. L’intérieur bénéficiera de plusieurs campagnes de reconstitution du mobilier et des décors. 


L’édifice a été reconstruit dans la décennie 1920 par l’architecte départemental, Charles-Henri Royer. Les travaux, ont été retardés par de nombreuses difficultés.

Le premier décor, réalisé en 1929 sur le fronton de l’avant-chœur de la nouvelle église et représentant un Couronnement de la Vierge, est l’œuvre de Pierre Dubois (peintre né à Bar-le-Duc au début du XXe siècle).




Le Couronnement de la Vierge par Pierre Dubois (1929)


L’œuvre de Duilio Donzelli


Dans un second temps, la municipalité s’adresse à Duilio Donzelli, au début de l’année 1933, pour restaurer les autels latéraux et les agrémenter d’un décor peint représentant St Nicolas et la Vierge Marie. En tant que patron des navigateurs, Saint Nicolas est représenté venant au secours de marins menacés par les éléments déchaînés. Au-dessus de l’autel consacré à Marie, Donzelli a peint l’Adoration des Bergers.


Autel dédié à St Nicolas

Saint Nicolas sauvant les naufragés

La statue de saint Nicolas est entourée des symboles de la Foi (Fides), de 
l’Espérance (Spes), de la Charité (Charitas), de la Prière (Oratio), de l’Aumône
(Eleemosyna), et de la Pénitence (Penitentia).





Autel dédié à la Vierge Marie

L’Adoration des Bergers

La statue de Marie est entourée des litanies de la Vierge


Le monogramme marial AM (Ave Maria)

Le maître-autel, également sculpté par Donzelli, s’harmonise avec les piliers qui supportent le plafond à caissons : ceux-ci rappellent la forme du papyrus avec les chapiteaux ornés de longues feuilles qui renvoient à cette plante de la vallée du Nil. L’autel du chœur est orné de mosaïques colorées formant le monogramme du Christ « IHS ». Deux statues d’anges photophores au profil qui rappelle les peintures de l’Égypte ancienne encadrent l’autel. L’épuration et la stylisation des traits inscrivent ces sculptures dans le courant Art déco. L’ensemble constitue une réalisation audacieuse mais cohérente avec l’architecture et les autres éléments de mobilier.


Le maître-autel égyptisant





« IHS » Forme abrégée et translittération imparfaite du nom
"Jésus" en grec, utilisé plus tard par l'église comme monogramme
pour Jesus Hominis Salvator : "Jésus, le Sauveur des hommes". 

Les vitraux 


Les verrières du chœur ont été réalisées en 1950 par les frères Benoit (Nancy). La première verrière représente la Cène (Jeudi saint), le repas que Jésus-Christ prit avec ses apôtres la veille de la Passion et au cours duquel il institua l'Eucharistie. La seconde représente la Résurrection du Christ (Pâques). 






Dans la nef, deux verrières liées à la vie de Clovis se font face : Ste Clotilde / l’éducation de Clovis d’une part, et St Rémi / le baptême de Clovis d’autre part. Ces deux verrières ne sont ni signées ni datées. 




Deux autres verrières représentent sainte Julie, un personnage assez rarement représenté dans les églises meusiennes. Le personnage qui lui fait face est plus fréquemment représenté puisqu’il s’agit de saint Jean-Baptiste. Toutes deux sont l’œuvre du maître-verrier parisien Schmit-Besch. Elles ont été offertes en 1933 par la 2e coopérative et par Mme Juliette Mettavant épouse Hémelot.





©️ Vidéo Département de la Meuse

Sources et bibliographie


23/02/2023

Notre-Dame de l’Europe (Fleury-devant-Douaumont)

Au sortir de la Première Guerre mondiale, neuf communes meusiennes de la zone rouge du champ de bataille de Verdun sont déclarées « mortes pour la France » : Beaumont-en-Verdunois, Bezonvaux, Cumières-le-Mort-Homme, Douaumont, Fleury-devant-Douaumont, Haumont-près-Samogneux, Louvemont-Côte-du-Poivre, Ornes et Vaux-devant-Damloup. Les ravages sont tels qu’il est décidé de ne pas rebâtir ces villages. Toutefois, fait tout à fait unique, ces derniers conservent leur existence administrative à titre mémoriel. Témoins de la violence du conflit, neuf chapelles commémoratives sont édifiées entre 1930 et 1934 afin de perpétuer, outre les victimes de la guerre, le souvenir de chacun de ces villages disparus. Les titres de dommages de guerre ont permis le financement de ces constructions.

La chapelle Saint-Nicolas (Notre-Dame-de-l’Europe depuis 1979)


Extrait du Bulletin meusien du 1er septembre 1934 décrivant l’édifice le jour de son inauguration.


« D’un style inspiré du Roman XIIe siècle, le pieux édifice s'harmonise heureusement au paysage environnant. Il fail honneur à son architecte, M. Berthemy, à M. Comminge, qui forgea sa porte sur un dessin rappelant d'anciennes pierres tombales, au maître-verrier Gruber dont les vitraux baignent de suave lumière une émouvante « Mater Dolorosa » et deux paysages qui évoquent le Fleury d'avant-guerre el son martyre. Ces dernières décorations traitées en sgraffite, c'est-à-dire en peinture à fresques appliquée sur un dessin sculpté dans le mur, sont l'œuvre de M. et Mme Lantier, artistes sincères el qui ont le sens profond des belles compositions d'inspiration religieuse. »




L’extérieur


Le soubassement est en pierre de taille de Lérouville. Les façades sont constituées de moellons. Le portail est la partie la plus soignée de l’édifice : un arc en plein-cintre, deux colonnes avec leur chapiteau orné de feuilles de vignes que l’on retrouve également sur le tympan autour de la croix latine. Une croix de guerre domine l’édifice.





Le porche est surmonté d’une rosace en pierre de Savonnières. Le portail en fer forgé est dû à l’architecte Louis-Alfred Berthemy qui a dessiné les plans de l’édifice (l’un des co-créateurs du Monument à la Victoire de Verdun), on y voit d’ailleurs ses initiales  (en bas à gauche) ainsi que celles du ferronnier Comminge (en bas à droite). Y est représentée une sorte d’arbre de vie dont les branches supportent la Croix de Guerre, décernée au village martyr. Les dates du conflit mondial apparaissent en bas au centre du portail. Toutes les inscriptions ainsi que La Croix de guerre et les deux petites croix pattées alésées sont dorées.


L’intérieur


L’intérieur est composé d’une courte nef de forme carrée et d’un chœur semi-circulaire. Les six vitraux ont été réalisés par Jean-Jacques Gruber, maître-verrier des l’École de Nancy. 


Sur le mur Sud sont représentés, au centre saint Nicolas à qui était dédiée cette chapelle lors de sa construction, une fermière, fourche à la main en train de prier, et un fermier dans une posture de recueillement, tenant une faux d’une main et son chapeau de l’autre, une scène se déroulant probablement à la veille de son départ au front.


Sur le mur Nord, saint Hubert, patron des chasseurs, tient une arbalète ; à ses pieds se trouve un cerf portant un crucifix entre ses bois. De chaque côté, un soldat le regarde. Le premier porte le pantalon garance alors que le second est vêtu de l’uniforme bleu horizon. 


Enfin, la rosace qui surmonte l’entrée représente le voile de sainte Véronique.









Les peintures du chœur sont l’œuvre de Lucien Lantier. Dans la partie inférieure, un rideau parsemé de croix et d’étoiles se déploie derrière l’autel. Au-dessus, au niveau de la voûte en cul-de-four, une Vierge de Pitié est entourée de 2 anges priant. A droite, on reconnaît Fleury avant sa destruction ; à gauche sont représentés l’ossuaire de Douaumont à l’arrière-plan, la chapelle-abri et le monument aux morts au second plan, et quelques croix éparses au premier plan. 



©️ Le Bulletin meusien du 1er septembre 1934 • gallica.bnf.fr









Plaques commémoratives 










L’inauguration du 26 août 1934


Extrait du Journal du 27 août 1934


« L'inauguration de la chapelle élevée sur l'emplacement de Fleury, 26 août.


Sur l'ancien emplacement du village de Fleury-devant-Douaumont, entièrement pulvérisé, en 1916, par de terribles bombardements, devant lesquels ses 420 habitants ont dû fuir des lieux maintenant silencieux et désertiques, a eu lieu aujourd'hui, sous la présidence de M. Lecourtier, sénateur, l'inauguration d'une chapelle-abri.


©️Le Bulletin meusien du 1er septembre 1934 • gallica.bnf.fr


De nombreux anciens habitants de cette bourgade, dispersés dans tous les coins de la France, sont venus assister à cette pieuse cérémonie du souvenir. Un office religieux fut célébré par l'abbé Bonne, curé de Bras et de la zone rouge, à laquelle assistaient M. Lecourtier, sénateur ; Panau, maire de Verdun ; Gabriel Schleiter, adjoint ; Berthemy, architecte ; Hazard, conseiller d'arrondissement ; le chanoine Dion, vicaire général, remplaçant Mgr Ginisty ; les maires des communes avoisinantes. Après un discours de M. Body, maire de Fleury, une gerbe de fleurs fut déposée au monument aux morts. Un banquet amical fut servi ensuite. »


La chapelle a été consacrée en 1935 par Monseigneur Charles Ginisty, évêque de Verdun et récemment inscrite sur la liste des Monuments Historiques, le 15 décembre 2021.


Notre-Dame de l’Europe (16 septembre 1979)



Depuis 1979, Notre Dame de l'Europe scellée sur la façade de la chapelle appelle à la fraternité et à la paix, tous les hommes qui viennent en ce lieu s'incliner devant le sacrifice et la misère des deux adversaires de l'époque, aujourd'hui réconciliés.


Extrait du Républicain Lorrain (11 Septembre 1979)


« Notre-Dame de l’Europe - Elle sera inaugurée dimanche (16 septembre 1979) à Fleury-devant-Douaumont.


Mgr Boillon, évêque de Verdun, bénira dimanche en présence de M. Alain Poher, président du Sénat, la statue «Notre-Dame de l'Europe» à Fleury-devant-Douaumont. La statue, scellée sur la façade de la chapelle votive "de Fleury-Village, anéanti pendant les combats de la «grande guerre», est l'œuvre du sculpteur messin André Forfert. L'élégance un peu froide de la «Virgo Europae Patrona» (Vierge patronne de l'Europe) convient à l'austérité de l'endroit, une clairière dans le paysage encore défoncé qui environne Douaumont. Tous les ans, une messe y rassemble anciens combattants et personnalités françaises et allemandes. Les traits presque effacés, les yeux mi-clos, l'annonce d'un sourire confèrent à la Vierge d'André Forfert une grande douceur, une sérénité qui contrastent avec la pesante raideur de la cape, faite d'un drapeau européen qui l'enveloppe et dont le col largement rabattu lui sertit le visage. »



« Vous méditerez un instant devant Notre Dame de l'Europe enchâssée sur la façade de la chapelle de Fleury en 1979. Ici, au point convergent des déchirements et des souffrances, le visage pacifié de la Vierge émergeant de son manteau, comme le blessé émerge de la boue, comme la vie renaît de la mort et l'espoir du désespoir, est le symbole apaisant et volontaire de la réconciliation dans une construction fraternelle. »


Gérard CANINI




Sources et bibliographie